Alpha Blondy toujours là

À 61 ans, le père du reggae ivoirien signe son grand retour sur la scène internationale avec un dix-septième album, Jah Victory. Et chantera la fin de la guerre le 30 décembre à Abidjan devant 300 000 personnes.

Publié le 16 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

« Jagger, c’est Jagger », scandent des fans agglutinés derrière la porte du studio d’enregistrement d’Africa N° 1, à Paris. Ni le froid ni la pluie n’ont découragé les admirateurs du reggaeman ivoirien de venir toujours plus nombreux, qui pour obtenir un autographe, qui pour se faire prendre en photo avec la star. Malgré la fatigue, il reste enjoué. Après avoir enflammé le Zénith de Paris le 16 novembre, il se produira le 30 décembre au Festa, le festival de musique d’Abidjan.
Interrompue à cause de la crise ivoirienne, la manifestation, baptisée pour l’occasion FestaRRR (réconciliation, réunification, reconstruction), reprend cette année. Alpha y attend plus de 300 000 personnes, « pour leur dire que Gbangban est fini [la guerre est terminée, NDLR] et qu’il faut maintenant relever le pays ».

Première chance
Depuis 2002, il s’est activé sur le terrain politique « pour uvrer au retour de la paix en Côte d’Ivoire ». À l’éclatement du conflit ivoirien, le 19 septembre 2002, il prend position, très vite, et milite pour des négociations entre les protagonistes. Rien n’y fait. « J’ai décidé alors de ne plus produire d’album tant que la paix ne serait pas revenue dans mon pays. »
En septembre 2005, il est nommé ambassadeur de la paix par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), l’occasion de s’engager un peu plus sur un terrain politique qu’il n’a jamais cessé de tutoyer. Il parle à tous les leaders et, surtout, à leurs jeunes partisans, et les exhorte à « calmer le jeu et s’asseoir pour discuter ». Les pourparlers de Ouaga en février et mars 2007, il s’en dit l’un des artisans. Les accords de paix qui s’ensuivent, il les célèbre comme sa victoire. Celle de Dieu aussi. Le titre de sa prochaine uvre est tout trouvé : Jah Victory. « Sur mon premier album, Jah Glory [sorti en 1982], je célébrais la gloire du Seigneur. Aujourd’hui, je célèbre sa victoire sur les méchants, les jaloux, toutes ces gens qui voulaient voir mon pays sombrer. Mais la Côte d’Ivoire est toujours là »
Le Camerounais Manu Dibango, à qui Alpha voue « une admiration sans borne », confiait à Africa N° 1 : « Il est des artistes qui mangent leur pain noir au début. Après, le pain prend des couleurs. C’est le cas d’Alpha. » Jagger, comme l’appellent les Ivoiriens, a galéré pendant les années 1970 aux États-Unis avant de revenir connaître la gloire dans son pays en 1981, dès son premier album, grâce à son ami l’animateur Roger Fulgence Kassy, qui lui donne sa « première chance » en l’invitant à l’émission qu’il présente à la télévision ivoirienne (RTI). Depuis, Alpha n’a plus rompu avec le succès. « J’ai connu les scènes des cinq continents, dans des pays que je n’aurais jamais imaginé découvrir sans la musique et où je n’imaginais pas non plus que mes chansons puissent être connues ! »
C’est que le reggae d’Alpha parle à tous les peuples. Sur cette musique universelle, il greffe des sonorités mandingues, rock et calypso. Cette fois, il s’est tourné vers l’Afrique centrale et sa rumba, avec une intervention magistrale du chanteur congolais Didi Kalombo dans « Le bal des combattus ». Sans oublier le coupé-décalé, la nouvelle identité musicale ivoirienne. Même si l’instrumentation de « Ma Côte d’Ivoire je t’aime » n’est pas sans rappeler celle de Ytzhak Rabin (1998), Jah Victory est un album tonique, où Alpha Blondy donne la pleine mesure de son talent et lance des messages d’espoir et d’encouragement à la jeunesse africaine. Notamment à celle de Côte d’Ivoire, qui se sent soutenue par un Jagger proche de ses préoccupations, même si elle a pu lui reprocher de tergiverser dans ses prises de position politiques.

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Mauvaise passe
Entre Alpha et les jeunes, qu’il appelle ses bramôgô (« frères », en nouchi, l’argot d’Abidjan), il y a une communion jamais démentie et confirmée chaque fin d’année lors du Festa. Pour l’heure, entre deux concerts de sa tournée afro-européenne, il distribue les bons et les mauvais points aux acteurs politiques ivoiriens, qu’il semble ne plus vouloir lâcher. « Je fais partie des meubles de la maison Ivoire. C’est mon rôle de consoler les gens qui souffrent des effets de cette crise, mais aussi de dire aux responsables de tout faire pour qu’on sorte définitivement de cette mauvaise passe. » De même, il ne manque pas de se prononcer sur la politique française. « La France applique une politique de deux poids deux mesures. Elle dénie aux Africains déjà présents sur son sol le droit au logement en durcissant les conditions du re?groupement familial. Et elle laisse des associations comme l’Arche de Zoé enlever des enfants africains sous couvert d’humanitaire. Avec quels papiers auraient-ils rejoint la France ? »
Pour autant, Alpha ne compte pas s’investir davantage en politique, en acceptant par exemple un poste de ministre comme l’a fait Gilberto Gil au Brésil. « Sinon, comment pourrais-je encore m’enjailler [me faire plaisir, NDLR] ?» L’artiste ne peut abandonner la musique. Sans elle, avait prédit une féticheuse à sa mère, il mourra

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