Liamine Zéroual élu président de la République algérienne
16 novembre 1995
La première élection présidentielle pluraliste de l’Algérie indépendante se déroule dans un climat de guerre civile. Les images de la campagne électorale en témoignent. On y voit feu Mahfoud Nahnah (il décédera en juin 2003), gourou des Frères musulmans algériens, chef incontesté du Hamas, tenir un meeting au stade municipal de Blida tandis que des hélicoptères Mi-8, de fabrication russe, bombardent le mont Chréa, infesté de maquisards. Chef de l’État désigné, une année auparavant, par une Commission du dialogue national, le général à la retraite Liamine Zéroual brigue la magistrature suprême. Face à lui, outre Nahnah, Saïd Sadi, patron du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc), et Noureddine Boukrouh, chef du Parti du renouveau algérien (PRA, libéral). L’ex-Premier ministre Réda Malek est exclu pour parrainages insuffisants, le secrétaire général de l’Alliance nationale des républicains (ANR) n’ayant pas réussi à réunir les 75 000 signatures de citoyens nécessaires.
Cette élection est d’une importance capitale pour l’avenir d’un pays qui a sombré dans le chaos après l’interruption des législatives de décembre 1991, promises aux fondamentalistes du Front islamique du salut (FIS). Un régicide, l’assassinat, le 29 juin 1992, de Mohamed Boudiaf, grande figure du nationalisme, appelé à la rescousse pour combler le vide institutionnel créé par la « démission forcée » du président Chadli Bendjedid, un Parlement dissous et non renouvelé, des municipalités sans élus. Bref, l’Algérie est dépourvue de toute institution légitime.
Première surprise du scrutin : la participation est massive. Plus de trois Algériens sur quatre se rendent aux urnes, ignorant les menaces proférées par les Groupes islamiques armés (GIA de triste mémoire) et infligeant un cinglant démenti aux experts autoproclamés qui annonçaient avec certitude le succès des appels au boycott émanant de l’opposition, notamment du Front des forces socialistes et du Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique), à l’époque en rupture de ban avec le système. Zéroual est élu avec 61 % des suffrages exprimés. Nahnah en enregistre plus de 25 %. Dénonçant timidement quelques irrégularités, il aurait pu se parer des habits de chef de l’opposition. Il opte pour une autre stratégie : l’entrisme cher aux Frères musulmans. Il annonce son soutien au nouveau président élu contre quelques strapontins au gouvernement. Les résultats des deux autres candidats sont anecdotiques. Noureddine Boukrouh et son PRA annoncent leur intention de rejoindre le nouveau gouvernement, et Saïd Sadi conteste, sans conviction, les résultats.
Le nouvel homme fort du pays annonce ses priorités : élaborer une nouvelle Constitution dont la principale innovation serait la limitation des mandats présidentiels, organiser des législatives libres et honnêtes et amorcer un dialogue avec les dirigeants islamistes pour mettre fin à l’effusion de sang. Un an après avoir prêté serment, Zéroual fait adopter la Constitution et son article 74, limitant à deux le nombre de mandats à El-Mouradia. En 1997, il organise des législatives, sans doute les plus contestées de l’histoire de l’Algérie indépendante. Des fraudes massives permettent au plus récent des partis, le Rassemblement national démocratique (RND, dirigé alors par Tahar Ben Baïbèche), de décrocher la majorité au Parlement. En septembre 1998, Zéroual jette l’éponge et annonce son intention de ne pas achever son mandat pour créer les conditions d’une alternance au pouvoir.
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