Sukarno par Sukarno

Publié le 16 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

La meilleure façon de me dépeindre, moi Sukarno, c’est de dire : Sukarno est un grand amoureux. Il aime son pays, il aime son peuple, il aime les femmes, il aime l’art et, plus que tout, il s’aime lui-même. Sukarno est un homme de sentiment et, en toutes choses,
un gourmet. Un beau paysage lui coupe le souffle. Un coucher de soleil indonésien le rend lyrique. Il hurle en chantant un negro spiritual.
On a dit de moi : « Le président de la République d’Indonésie a par trop une personnalité d’artiste. » Je rends grâce à la puissance divine de m’avoir fait naître sentimental et artiste. Comment, autrement, aurais-je pu devenir « le grand chef de la Révolution », comme m’appellent mes 104 millions de concitoyens ? Comment aurais-je pu faire une révolution en 1945, et, à partir de Java, Bali, Sumatra, Bornéo, des Moluques et du reste des Indes néerlandaises, créer une Indonésie unifiée ?
[] Je ne suis pas sans défauts. Tout être humain commet des erreurs. À plusieurs reprises, en de grandes occasions, j’ai demandé pardon à mon peuple des fautes que je
savais avoir commises et même de celles dont je n’avais pas conscience. On me demande : « Sukarno, est-ce que les critiques vous préoccupent ? » Bien sûr que oui. Je n’aime pas
les réprimandes. Ne suis-je pas comme les autres humains ? Égratignez un chef d’État, il saignera comme n’importe qui. Il n’y a pas de doute, je désire qu’on m’aime. J’ai un Moi, je le confesse. Mais sans un tel Moi, personne n’aurait été capable de souder dix milliers d’îles dans le creuset du nationalisme. Et je suis vaniteux. Mais qui ne l’est pas ? []
Personne, à notre époque, n’inspire autant de sentiments favorables ou hostiles que Sukarno. Tantôt traité comme un scélérat, tantôt adoré comme un Dieu.
[] Mais, dans le monde, on ne lit que les propos du conducteur de betjak [taxi indonésien, NDRL]. On y apprend seulement que Sukarno n’est pas un économiste. C’est vrai, je ne le suis pas. Mais Kennedy l’était-il ? Johnson l’est-il ? Est-ce une raison pour que les magazines occidentaux impriment que l’économie indonésienne court à l’effondrement ? Ou que c’est un pays délabré ? Où qu’ils titrent : « À la porte, Sukarno ! »

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