Le cheval et la chirurgie cardiaque

Publié le 16 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Au début de l’histoire était un cheval. C’était en 1863. Un vétérinaire (Chauveau) et un médecin (Martey) introduisent une sonde dans une veine périphérique du brave animal et la poussent jusque dans le coeur. Ils inventent ainsi le cathétérisme cardiaque qui leur permet de découvrir des données essentielles concernant le fonctionnement du coeur. Faute de connaissances suffisantes, cette technique ne sera pas appliquée à l’homme.
Cependant, une nuit de 1929, un jeune médecin allemand, Forssmann, introduit une sonde dans sa propre veine du coude et la pousse jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Il monte à l’étage supérieur pour faire une radiographie : la sonde est dans le coeur. Mais la technique inquiète les médecins. On se méfie du geste de Forssmann, que certains considèrent comme une tentative de suicide. Son chef de service lui dit qu’il « dirige une clinique et non un cirque ». Après neuf autres expérimentations sur lui-même, découragé, il devient bûcheron.
Il est vrai qu’à cette époque on avait découvert une autre technique d’exploration du coeur, l’électrocardiographie (enregistrement des courants électriques produits par le coeur). C’est une technique simple, sans danger et très utile, que beaucoup d’équipes confirment. Mais de cathétérisme on ne parle plus guère…
Et cependant l’histoire va se poursuivre. Quelques tentatives ici ou là. Puis, dans les années 1940, Cournand, Français émigré aux États-Unis, et Richards réussissent très régulièrement des cathétérismes chez l’homme et mettent au point une technique et des matériels validés par d’autres chercheurs. On obtient ainsi des informations cruciales qui vont permettre le développement de la chirurgie cardiaque. Aujourd’hui, le cathétérisme est devenu un geste banal et très utile pratiqué chaque jour, des milliers de fois dans le monde. Il apporte aux chirurgiens les informations nécessaires pour opérer avec succès. Et notre histoire finit très bien, puisqu’en 1956 le cathétérisme a été l’objet de la plus grande récompense, le prix Nobel, attribué à Cournand, Richards et… Forssmann qu’on n’avait pas oublié.
Avant d’obtenir les excellents résultats actuels, les chirurgiens cardiaques ont dû vaincre une crainte atavique. Si on opérait les os, l’intestin et même la tête sans inquiétude métaphysique, il n’en était pas de même pour le coeur : on y entrait « comme dans une cathédrale » et certains blâmaient les chirurgiens « osant porter le bistouri dans un coeur ». Et pourtant la chirurgie cardiaque a réussi. Elle bénéficie aujourd’hui encore d’innovations expérimentées prudemment au bénéfice des patients.
Cette histoire nous apprend que les découvertes utiles ne restent pas ignorées, mais qu’il faut savoir attendre leur validation par plusieurs équipes. Dernière remarque : si on avait appliqué à ces techniques le fameux et stupide « principe de précaution », ni le cathétérisme ni la chirurgie cardiaque n’existeraient.

* Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan.

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