Konaré avait raison

Publié le 16 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

En septembre 2003, à la veille de son départ pour Addis-Abeba où il s’apprêtait à prendre ses fonctions de président de la Commission de l’Union africaine, j’avais longuement évoqué avec Alpha Oumar Konaré les principaux dossiers qui l’attendaient : conflits et pandémies divers, réfugiés et pauvreté, putschs et démocratie, etc. Mais la tâche la plus ardue à laquelle il était confronté était assurément de structurer la Commission, de combler les vides de l’organigramme, de dénicher les cadres les plus compétents en respectant les sempiternels équilibres régionaux et linguistique, sans parler de la parité entre les sexes !
Avant de nous séparer, je lui avais posé une dernière question : « Au traitement de quel dossier aimeriez-vous que votre nom reste associé ? » « À celui des migrations », m’avait-il répondu, sans hésiter. Je ne cachais pas ma surprise. J’étais certes très conscient de la tragédie vécue par les candidats africains à l’eldorado européen, j’avais à l’esprit les images des pateras s’échouant sur les falaises d’Algésiras, des corps sans vie jonchant les plages espagnoles, mais quand même : l’extrême sensibilisation de Konaré à cette question ne pouvait venir, croyais-je, que de ses origines. Le Mali, qu’il présida pendant une décennie, n’est-il pas l’un des principaux pourvoyeurs d’émigrés ? Il me semblait étrange de donner la priorité à une crise qui ne fait, après tout, guère plus de mille morts par an quand certains conflits, en RD Congo par exemple, en font tout autant en une seule journée. Bien entendu, Konaré avait raison. Car l’émigration est la résultante de l’ensemble des problèmes auxquels l’Afrique est confrontée : de la famine à la guerre en passant par la corruption et la mauvaise gouvernance. Si l’émigration clandestine cessait, cela signifierait que l’on est parvenu à fixer les populations, à leur redonner le goût de vivre – et de mourir – dans leur pays.
Happé par l’urgence des dossiers en cours, de la Côte d’Ivoire au Darfour et du Togo aux Grands Lacs, Konaré n’a pas eu la possibilité d’inscrire cette question à l’ordre du jour des rencontres panafricaines. Deux ans après son installation à la tête de la Commission, les onze morts de Ceuta et Melilla et les centaines de clandestins déportés dans le désert marocain l’aideront peut-être à gagner son pari : convaincre ses interlocuteurs de faire de la question une urgence de l’heure.

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