Un nouveau genre : le film post-11 Septembre

Publié le 16 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

C’est en train de devenir un genre cinématographique à part entière dans le monde anglo-saxon, et plus particulièrement, bien sûr, aux États-Unis : le film post-11 septembre 2001. Depuis quelque temps déjà, les longs-métrages évoquant les avatars et les conséquences des initiatives pour le moins malheureuses de l’administration américaine dans son face-à-face avec le terrorisme se sont multipliés. Les plus connus vont du célèbre pamphlet de Michael Moore de 2004 sur les réactions de George W. Bush ?aux attaques du 11 Septembre – Fahrenheit 9-11 – à Syriana, histoire d’un agent secret désabusé, ou Jarhead, film de guerre atypique, sortis tous deux l’an dernier. Et il y en a eu bien d’autres, notamment dans le style documentaire, dénonçant les mensonges du président américain (Le Monde selon Bush, etc.) ou dans le style reconstitution d’événements (Vol 93, sur le détournement de l’avion qui aurait dû s’écraser sur la Maison Blanche, etc.).
À en juger par les programmations des grands festivals internationaux de ces dernières semaines, le genre est en expansion continue. Le film qui, dit-on, a fait le plus pleurer les spectateurs du Festival de Deauville, Grace Is Gone, de James C. Strouse, évoque l’histoire pathétique d’un homme, lui-même réformé de l’armée, qui n’arrive pas à annoncer à ses filles que sa femme, donc leur mère, a été tuée en Irak, où elle servait dans les troupes d’occupation.
Deux des films qui ont le plus fait parler d’eux à Venise au début de septembre faisaient encore plus directement référence à la guerre d’Irak. Avec Dans la vallée d’Elah, Paul Haggis, scénariste habituel de Clint Eastwood, fait surgir le conflit à travers une enquête sur l’assassinat mystérieux d’un soldat de retour des rives du Tigre et de l’Euphrate. Quant à Brian de Palma, il a obtenu le prix de la mise en scène dans la cité des Doges avec Redacted. Or ce film, qu’on pourrait qualifier de fiction-documentaire, est inspiré d’un fait divers qui a fait couler beaucoup d’encre l’an dernier, à savoir l’horrible assassinat précédé d’un viol d’une jeune Irakienne et de sa famille par des GI en opération près de Bagdad.
C’est également une sorte de fiction-documentaire que propose, un an après son terrible film-témoignage Guantánamo, le prolifique réalisateur britannique Michael Winterbottom avec Un cur invaincu (« A Mighty Heart »). Présenté hors compétition au dernier Festival de Cannes, ce long-métrage qui sort aujourd’hui en salles en Europe (le 19 septembre à Paris) raconte comment la femme du journaliste Daniel Pearl, exécuté atrocement par des islamistes au Pakistan, a vécu cette période et a suivi la traque des assassins de son mari pendant de longues semaines. Réalisé comme un thriller qui laisserait toute sa place à l’émotion, ce film, tout en étant entièrement vu du côté occidental, se veut pourtant aussi informatif sur la situation au Pakistan et la vie des habitants de ce pays.
Cette attention portée à « l’autre », bien que très timide il est vrai, marque une petite différence avec la vague précédente de films sur les aventures idéologiques et guerrières des États-Unis à l’époque de la guerre du Vietnam, d’où les Vietnamiens étaient presque totalement absents, réduits à figurer des ombres. Un effet, peut-être, de la mondialisation, qui, au-delà de l’économie, atteint aussi les esprits. Si l’on poursuit cette comparaison entre les deux grands désastres politico-militaires américains du dernier demi-siècle, on peut cependant remarquer qu’on attend toujours que la « guerre contre le terrorisme » suscite la réalisation d’un chef-d’uvre tel qu’Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola. Il est vrai qu’on a, hélas, encore le temps de le voir surgir, puisque les conflits ou au Moyen-Orient sont toujours en cours.

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