Hollande en terrain miné

Publié le 16 juillet 2006 Lecture : 3 minutes.

Les 8 et 9 juillet, François Hollande a reçu à Alger un accueil digne d’un chef d’État. Abdelaziz Belkhadem, Premier ministre et secrétaire général du FLN, est venu le chercher à sa descente d’avion et ne l’a pratiquement pas quitté, deux jours durant. Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) français a rencontré les principaux dirigeants algériens et a été longuement reçu – pendant trois heures ! par le président Abdelaziz Bouteflika. Il n’est pourtant, à proprement parler, ni un présidentiable – ce rôle est dévolu à Ségolène Royal, sa compagne, qui caracole en tête des sondages – ni même le chef d’une opposition profondément divisée.
Oui, mais voilà : dans Devoirs de vérité, un livre paru il y a quelques mois et passé relativement inaperçu en France, Hollande explique que la SFIO (l’ancêtre du PS) avait perdu son âme pendant la guerre d’Algérie, et que les socialistes doivent des excuses aux Algériens. Exactement le genre de phrase que ses interlocuteurs, révoltés par la loi du 23 février 2005 exaltant « le rôle positif de la colonisation » (à laquelle Jacques Chirac était fermement opposé et qu’il a depuis fait abroger), aimeraient entendre plus souvent dans la bouche des responsables français.
« Bouteflika a été déçu par Chirac, qui n’a pas tenu toutes les promesses faites lors de ses nombreux passages à Alger, explique un familier des arcanes de la politique algérienne. Il s’est braqué après la loi du 23 février. Les négociations sur le traité d’amitié sont au point mort et le resteront tant que la France n’aura pas fait acte de repentance. En déroulant le tapis rouge devant Hollande, Alger a d’abord voulu manifester son dépit au chef de l’État français. »
Frappés par la chaleur de l’accueil, les commentateurs ont conclu, un peu vite, qu’Alger « votera » PS à la prochaine présidentielle. C’est évidemment flatteur pour Hollande, qui a trouvé en Algérie ce qu’il était venu chercher : l’appui que son parti, qui lorgne les voix des nombreux Français d’origine algérienne, ne manquera pas d’exploiter. Mais il n’est pas exclu que cette visite porte en elle le germe de futurs malentendus. « Les Algériens ont compris – ou fait mine de comprendre – qu’en cas de victoire de la gauche en 2007, la France présenterait ses excuses », explique une membre de la délégation française. Dès le lendemain de son arrivée, Hollande, sentant le piège se refermer, a rappelé qu’il n’est habilité à présenter des excuses qu’au nom du PS, et non à celui de la France. Peine perdue
La vérité est que cette visite n’a pas complètement dissipé la défiance persistante entre l’Algérie officielle et les socialistes français. Côté algérien, on n’a pas oublié que François Mitterrand s’était prononcé contre l’interruption du processus électoral, en janvier 1992. Et que la nauséabonde polémique sur le thème de « qui tue qui ? » avait trouvé un large écho à gauche dans les années 1997-1998. Sur tous ces sujets, comme sur celui des achats d’armes, la droite française a toujours eu une attitude plus compréhensive et « équilibrée ». Et c’est elle qui conserve les faveurs d’Alger.
Hollande sera à Rabat les 18 et 19 juillet. Le Maroc reste le partenaire privilégié de la France au Maghreb, et il n’était pas question que la direction du PS donne l’impression de pencher en faveur du voisin (et rival) algérien. Rue de Solférino, on affirme que cette visite était programmée de longue date et que le chef des socialistes sera reçu par Mohammed VI. À Rabat, on confirme mollement. Pour préparer l’après-Chirac, cet allié indéfectible, les Marocains s’efforcent d’entretenir les meilleures relations avec tous les présidentiables français. Ils sont d’ailleurs assidûment courtisés par Nicolas Sarkozy. L’essentiel, à leurs yeux, est que les socialistes, comme les autres, ne se rallient pas aux thèses algériennes sur le Sahara, l’éternelle pomme de discorde entre les deux pays. Sur ce point, Hollande, ?à Alger, s’est borné à ?énoncer des banalités. ?Se découvrira-t-il davantage à Rabat ? Les paris sont ouverts.

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