Taylor, quinze ans après

Publié le 16 avril 2006 Lecture : 2 minutes.

Bien avant que Charles Taylor ne déchaîne sur l’Afrique de l’Ouest le tsunami de viols, d’assassinats et de pillages pour lequel il va bientôt être jugé comme criminel de guerre, les malades mentaux qu’il avait sous ses ordres ont enlevé ma sur aînée, Janice.
Cela s’est passé le 3 novembre 1990. Ma sur vivait à Paynesville, dans la banlieue de Monrovia, avec sa famille et une poignée d’orphelins et de réfugiés de la guerre civile libérienne. La racaille qui composait l’armée de Taylor s’approchait de Monrovia et se préparait à l’assiéger.

Janice, 30 ans, son mari, Yao, et leur fils de 1 an, Logosou, se trouvèrent sur son passage. Lorsque les guerriers de Taylor, revêtus de leur « attirail de combat » – robes de mariées, perruques blondes et maquillage -, commencèrent à lancer des roquettes et à ouvrir le feu sur sa maison, Janice essaya de protéger son fils en se blotissant contre le mur de la salle de bains. Logosou avait vu défiler, au fil des jours, tant de soldats des diverses factions qu’en général il n’avait plus peur.
Mais, cette fois, ce n’était pas une simple visite de soldats venus prélever leur tribut, et Janice se coucha sur son fils pour essayer de le protéger. Finalement, après trois heures de tirs nourris, une dizaine de partisans de Taylor entrèrent dans la maison, l’arme au point. Ils accusèrent Janice d’héberger des soldats ennemis. Les seules personnes qu’elle abritait étaient des orphelins de guerre et des réfugiés. Les soldats de Taylor firent sortir dans la cour tous les occupants de la maison. Ils tuèrent Kona, un orphelin de 9 ans blessé pendant le siège. Ils tuèrent leur informateur, qui leur avait indiqué à tort que Janice hébergeait des soldats ennemis. Ils tuèrent un homme qui passait par là.
Ils prirent en otages tous les autres occupants de la maison et les emmenèrent avec eux, à une quinzaine de kilomètres de là, jusqu’à la caserne de Schieffelin. Sous le soleil brûlant de novembre, Janice serrait en marchant la main de son fils et se récitait un Ave Maria.

la suite après cette publicité

Le groupe arriva à une maison en feu. Une guerrière de Taylor s’approcha de Janice et jeta sur Logosou un regard plein d’admiration. « Quel beau bébé ! fit-elle. J’en ai tué deux comme ça aujourd’hui. »
À la caserne, les guerriers de Taylor enfermèrent Janice, son mari et Logosou avec neuf autres personnes dans une cellule. Ils emmenèrent à l’écart trois hommes plus âgés qui avaient été recueillis dans la maison et les tuèrent. Le lendemain, sans raison apparente, ils rendirent leur liberté à Janice et aux siens. À pied, en stop et en mendiant, Janice et sa famille réussirent à se traîner jusqu’à la frontière ivoirienne à travers le territoire contrôlé par Taylor.
Il leur fallut quinze jours.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires