Rendez-vous en Allemagne

Les Éperviers participeront au Mondial 2006. Mais la sélection nationale, qui vient de changer de coach, parviendra-t-elle à trouver ses marques ?

Publié le 16 avril 2006 Lecture : 6 minutes.

A deux mois à peine du coup d’envoi de la Coupe du monde 2006 en Allemagne, les Éperviers naviguent un peu moins dans le brouillard. Depuis le 30 mars, ils savent désormais quel sera leur programme de préparation pour leur première participation à la plus prestigieuse des compétitions sportives après les jeux Olympiques. À cette date, Otto Pfister, le nouveau sélectionneur national, a indiqué que ses joueurs suivront, avant l’ouverture du Mondial, un stage de cinq semaines, au cours duquel ils disputeront cinq matchs amicaux. Les Togolais se rendront d’abord à Amsterdam (Pays-Bas), le 14 mai, pour affronter l’Arabie saoudite, également qualifiée pour la grand-messe du ballon rond (groupe H). Le lendemain, ils rejoindront Wangen-im-Allgäu, une petite bourgade du Bade-Wurtemberg, où ils installeront leur quartier général pour toute la durée du tournoi. De là, ils rencontreront l’équipe réserve du prestigieux Bayern de Munich ; Augsbourg, une formation qui évoluera la saison prochaine en première division allemande ; le Liechtenstein, à Vaduz ; et Wangen, un club qui joue en Verbandsliga, l’équivalent d’une cinquième division.
Adebayor et ses coéquipiers en savent davantage également sur la composition du nouveau staff technique chargé de les encadrer, dont le renforcement a été décidé par la Fédération togolaise de football (FTF) en même temps qu’elle prenait la décision de changer de sélectionneur. Le Néerlandais Pitt Hamberg, jusqu’à présent responsable de la formation du club suisse du Grasshopper de Zurich, et Kodjovi Mawuena, le coach du club de Dyto, ont été nommés entraîneurs adjoints. Le premier a l’habitude de travailler avec Otto Pfister, puisqu’il était déjà son adjoint en 1998, lorsque celui-ci entraînait l’Arabie saoudite. Il connaît bien par ailleurs Dick Advocaat, son compatriote, qui conduira la Corée du Sud en Allemagne. Un atout précieux, puisque cette dernière sera dans le même groupe que le Togo. Un médecin allemand, Joachim Schuber, fort d’une vingtaine d’années d’expérience dans la médecine sportive a, quant lui, rejoint une équipe médicale étoffée.
La mission qui a été confiée à ces nouvelles têtes est simple : éviter que le Togo réalise à la Coupe du monde une aussi médiocre performance que lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations (CAN). Compte tenu du parcours catastrophique des Éperviers sur les rives du Nil (trois défaites en trois matchs synonymes de disqualification à l’issue du premier tour, et sept buts encaissés pour seulement deux marqués), la tâche paraît loin d’être insurmontable… Même si les rendez-vous qui attendent les Togolais dans le groupe G n’auront rien d’une promenade de santé, puisque qu’ils affronteront successivement la Corée du Sud, demi-finaliste de l’épreuve en 2002, la Suisse, qui a posé bien des difficultés à la France lors de la phase de qualification, et la France, justement, vainqueur du tournoi il y a huit ans.
La question est donc de savoir si la préparation concoctée par Otto Pfister, ainsi que la réorganisation du staff technique de la sélection mise en place par la FTF, permettront de redonner confiance aux Jaune et Vert, qui en ont bien besoin.
En ce mois d’avril, en effet, c’est une équipe fragilisée que reprend en main le coach allemand. Jusqu’à la mi-mars, la plus grande confusion y a régné pour déterminer l’identité du sélectionneur qui prendrait place sur son banc de touche pendant la coupe du monde. Ce n’est qu’à ce moment-là que le Nigérian Stephen Keshi, dont le contrat à la tête des Éperviers s’achevait une semaine plus tard, a été officiellement remplacé par ce technicien globe-trotter de Cologne, qui a entraîné 17 équipes – dont 7 sélections africaines – dans 14 pays différents.
Keshi a, certes, payé cash la débâcle des Togolais à la CAN, comme souvent dans un tel cas de figure. Mais d’autres raisons ont contribué à le mettre hors jeu.
La première concerne les rapports exécrables qu’il entretenait avec la star des Éperviers, Emmanuel Adebayor (voir encadré page suivante). En Égypte, les relations entre les deux hommes s’étaient dégradées au point de nuire à la cohésion de tout le groupe. À Lomé, les autorités du foot n’ont donc pas voulu prendre le risque d’une nouvelle passe d’armes et de nouveaux déballages intempestifs par médias interposés en Allemagne. Ensuite, la FTF n’a certainement pas apprécié non plus les critiques à répétition formulées par l’ancien capitaine des Super Eagles à son encontre. À plusieurs reprises depuis la qualification du Togo pour le Mondial, celui-ci a mis en cause l’institution, estimant qu’elle avait aussi sa part de responsabilité dans les résultats catastrophiques de l’équipe nationale ces derniers mois. Selon Keshi, la Fédération togolaise serait coupable de nombreuses carences au niveau de l’organisation et de la logistique, ce qui rejaillirait sur les performances des joueurs. Au mois de novembre 2005, au lendemain d’un tournoi calamiteux en Iran, il avait tiré une première fois la sonnette d’alarme, sans succès. Alors, quand tout le monde lui est tombé dessus après la CAN, le Nigérian en a remis une couche : « On ne s’est retrouvés que cinq jours avant la compétition. C’est, à mon sens, complètement insuffisant. » Fatales déclarations ?
Quoi qu’il en soit, le limogeage tardif de Keshi n’a en rien permis de ramener la sérénité dans les rangs des Éperviers. Bien au contraire. Il a d’abord contribué à dégrader un peu plus le climat délétère qui règne au sein de la sélection depuis la CAN. Plusieurs joueurs, déçus de la décision de la FTF, ont menacé de claquer la porte de l’équipe nationale et demandé le retour de Keshi, estimant que son départ était une « ingratitude » alors que c’est « grâce à lui que le Togo va pour la première fois participer à sa première phase finale de Coupe du monde ». De son côté, Adebayor a fait savoir dans la presse britannique qu’il ne comprenait pas pourquoi certains de ses coéquipiers uvraient pour son maintien. Ambiance…
La décision de remplacer l’ex-Super Eagle risque, par ailleurs, de peser sur la préparation des Togolais à la Coupe du monde. Alors que chaque sélectionneur peaufine actuellement la liste des 23 joueurs qu’il retiendra pour le Mondial, Otto Pfister en est encore à faire connaissance avec sa nouvelle équipe, qu’il ne dirigera pour la première fois que le 14 mai, contre l’Arabie saoudite… soit quelques instants seulement avant de communiquer sa propre liste de sélectionnés, comme il l’a fait savoir le 1er avril !
Enfin, le temps que la Fédération togolaise a passé pour procéder au changement de son entraîneur l’a contrainte à bousculer la programmation de ses matchs de préparation. Alors que la tête de Keshi était sur le billot depuis le 13 février, ce n’est que le 15 mars que la FTF a officialisé son remplacement après de longues tergiversations. Résultat : le Togo n’affrontera que deux sélections nationales assez modestes (Arabie saoudite et Liechtenstein) en guise de hors-d’uvre à la compétition. Quant aux autres formations qui lui seront opposées – la réserve du Bayern de Munich, Augsbourg et Wangen -, elles évoluent toutes dans les divisions inférieures du championnat allemand. Leur niveau n’a donc pas grand-chose à voir avec celui d’une Coupe du monde. Des confrontations plus relevées n’auraient pas été un luxe. Les Éperviers sont la seule équipe africaine à ne pas avoir profité de la dernière date possible bloquée par la Fifa pour organiser un match international officiel avant le Mondial, le 1er mars. Quand les Éléphants ivoiriens affrontaient l’Espagne, les Blacks Stars ghanéennes le Mexique et les Antilopes angolaises les Sud-Coréens, les Togolais étaient devant leur télévision…
À moins de deux mois du coup d’envoi d’Allemagne 2006, elle paraît donc bien loin l’époque où Adebayor et ses coéquipiers provoquaient des scènes de liesse sur la « Terre de nos aïeux ». C’était pourtant il n’y a pas si longtemps. Il y a six mois, exactement…

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