Qui est le chef des rebelles ?

Publié le 16 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Il y a six mois, personne ne le connaissait. Aujourd’hui, le capitaine Mahamat Nour fait trembler le régime tchadien. Qui est ce rebelle hors norme ? Mahamat Nour Abdelkerim est un membre de l’ethnie tama. Il est né il y a trente-cinq ans dans l’est du pays, près de Guereda. Dans cette région frontalière du Soudan, les Tamas sont une petite communauté de 50 000 personnes environ. Mais leurs voisins zaghawas ne sont pas plus nombreux et contrôlent le pays depuis seize ans.
Après le lycée à Bongor, où il habite chez Mahamat Garfa, un de ses parents, le tout jeune Mahamat Nour fait le grand saut. À 20 ans à peine, il rejoint Idriss Déby Itno dans le maquis du Mouvement patriotique du salut. C’est le bon choix. En 1991, un an après la victoire, il est nommé préfet à Biltine, à proximité de sa région natale. Puis il occupe divers postes au ministère de la Défense.
Mais en 1994, le jeune capitaine se sent marginalisé dans un régime où les Zaghawas tiennent tous les postes clés. Et décide d’entrer à nouveau en rébellion. Avec son parent, le chef d’état-major général des armées Mahamat Garfa, il crée l’Alliance nationale pour la résistance (ANR). C’est l’époque où il est chargé de la coordination militaire du mouvement rebelle à la frontière soudanaise. Il commence à se faire un carnet d’adresses à Khartoum.
En 2003, coup dur. Mahamat Garfa se rallie au régime tchadien. Avec quelques fidèles, Mahamat Nour continue le combat contre Idriss Déby Itno. Mais il ne tient qu’avec l’aide de ses amis soudanais. Que fait-il jusqu’en 2005 ? Officiellement, il se reconvertit dans le pétrole et monte une affaire à Khartoum. Mais selon l’un de ses anciens compagnons de lutte, il rend surtout de précieux services à l’armée soudanaise.
A-t-il recruté des combattants tamas pour lutter aux côtés des soldats soudanais et des miliciens arabes djandjawids contre les rebelles du Darfour ? « C’est totalement faux », dit l’un de ses porte-parole, le Dr Albissaty. « C’est une propagande grossière de Déby Itno pour salir notre mouvement. » Il reste que beaucoup s’interrogent sur ses relations avec Musa Hilal, le chef de la milice djandjawid la plus redoutée et le numéro un sur la liste noire établie par le département d’État américain au sujet des massacres au Darfour.
Jusqu’en octobre dernier, Mahamat Nour se flatte de diriger une structure qui n’a pas de nom. « Notre mouvement est un portail ouvert à tous les Tchadiens sans distinction », dit-il en août 2005 au journal en ligne ialtchad.com. « Que Dieu nous anéantisse si notre intention est de faire de la politique ou de chercher à prendre le pouvoir et à privilégier une ethnie. » Mais subitement, le 31 octobre, il change d’avis. Il crée le Rassemblement pour la démocratie et les libertés (RDL). Est-ce un hasard ? Quelques semaines plus tôt, des rebelles zaghawas ont annoncé la naissance du Scud (Socle pour le changement, l’unité et la démocratie). Le gouvernement soudanais ne veut sans doute pas laisser les frères Erdimi prendre l’ascendant sur son protégé Mahamat Nour
Depuis cette date, le chef rebelle redouble d’activités. Le 18 décembre dernier, il lance une violente attaque contre la ville frontière d’Adré. Ses forces subissent de grosses pertes, mais il s’impose sur la scène politique. Le 28 décembre, lors d’une réunion dans la ville soudanaise d’El Geneina, il se rapproche des rebelles du Scud. C’est le FUC (Front uni pour le changement démocratique). Très vite, l’alliance tourne court, mais il garde le contrôle du Front avec Abdallah Hassan Allazam Aljineidi, un membre influent de la communauté arabe tchadienne.
La botte secrète de Mahamat Nour ? « Sans doute sa fidélité sans faille au régime soudanais depuis douze ans », dit un opposant politique à N’Djamena. « C’est le seul rebelle tchadien à qui Khartoum accorde toute sa confiance ». Trois mois après la défaite d’Adré, beaucoup se demandent comment il a pu reconstituer aussi vite une telle force de frappe. En fait, le chef rebelle a beaucoup d’amis au Soudan. Il estime même qu’il en a suffisamment pour aller seul à la bataille, sans perdre de temps dans des discussions sans fin avec les autres mouvements politico-militaires. Il fait cavalier seul. C’est sa force, mais peut-être aussi sa faiblesse.

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