Le Zimbabwe fête son indépendance

Publié le 16 avril 2006 Lecture : 3 minutes.

Minuit, 18 avril 1980 : la Rhodésie devient le Zimbabwe. Salisbury, la capitale change de nom pour Harare. Vingt et un coups de canon résonnent dans le ciel. Plus de 30 000 personnes se sont entassées sur les gradins du stade Rufaro, au beau milieu de Highfield, l’immense township de la ville. Les premières secondes de la journée s’écoulent dans un silence de plomb. Dans les rangs des personnalités invitées, le prince Charles du Royaume-Uni, vêtu de l’uniforme blanc de la marine britannique, lord Hoames, le dernier gouverneur du pays, Kurt Waldheim, le secrétaire général de l’ONU, Edem Kodjo, celui de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le président zambien Kenneth Kaunda ou le Premier ministre indien Indira Gandhi assistent au spectacle. Plus d’une centaine de délégations ont fait le voyage : des délégués russes, chinois, des représentants de tous les pays non alignés, du Congrès national africain (ANC), du Front Polisario, des montoneros d’Argentine ou encore du Fretilin du Timor oriental. Ils sont tous là à regarder, sur un grand mât installé au milieu de la piste, l’Union Jack descendre pour la dernière fois sur la colonie britannique de Rhodésie.
Quelques minutes plus tard, le drapeau vert, or, noir, rouge et blanc du jeune Zimbabwe est hissé, et l’indépendance proclamée au son des tam-tams, des cornemuses et du reggae de Bob Marley. Les quatre-vingt-dix ans d’oppression coloniale, les sept années de guerre civile, les 27 000 morts et le million de réfugiés appartiennent enfin au passé.
Dans l’après-midi, Robert Mugabe, le chef de la Zimbabwe African National Union (Zanu) et l’un des principaux leaders de la guérilla contre les Blancs, enterre la hache de guerre. Dans un discours télévisé, le Premier ministre élu en février appelle les 7 millions de Noirs et les 230 000 Blancs à se serrer la main et à faire preuve « d’un nouvel esprit, d’un nouveau cur, qui ne doit pas diviser, mais unifier ». Aux Blancs, il dit : « Si, hier, je vous ai combattus comme ennemis, aujourd’hui, vous êtes devenus amis et alliés. Si, hier, vous m’avez haï, aujourd’hui, vous ne pouvez empêcher l’amour qui nous lie vous et moi. » Le monde entier a déjà salué l’arrivée de cet homme modéré, empreint d’esprit de réconciliation, de sagesse politique et de pragmatisme.
N’a-t-il pas déjà montré son désir d’unifier le pays ? Dès son élection, il a nommé Joshua Nkomo, le leader de la Zapu et son rival nationaliste, ministre de l’Intérieur et de la Police. Il a également maintenu le général blanc Peter Walls – hier pourtant son ennemi – à la tête de l’unique formation militaire du pays, en réunissant en son sein les éléments de la Zanla et de la Zipra (la guérilla dirigée par Nkomo). Les deux armées rebelles s’entretuaient encore il y a quelques mois dans le maquis. Et, dans la nuit du 17 au 18 avril, les voilà qui défilent ensemble et forment, côte à côte, la garde d’honneur de la cérémonie d’indépendance.
Alors que Robert Mugabe et le président de la République, Canaan Banana, prêtent serment, la foule hurle de joie. Dans les rues de Harare, les chants, les danses et les cris se poursuivent toute la nuit. Des coups de feu éclatent dans les townships et quelques morts malheureuses viennent entacher le jour de gloire. Mais après deux proclamations d’indépendance – celle de Ian Smith en 1965 et de Mgr Abel Muzorewa en 1979 -, les habitants savent que cette fois-ci est la bonne, et que Mugabe vient leur donner une véritable autonomie sans pour autant mettre le pays au ban de la communauté internationale. Après être revenue sous tutelle britannique le 12 décembre 1979, afin de mieux organiser la transition, la Rhodésie disparaît enfin.

L’instant est d’autant plus solennel qu’en cette nuit du 18 avril 1980 se clôt une longue révolution, née avec l’accession du Ghana à la souveraineté internationale en 1957. Il restera encore à l’Afrique du Sud à se libérer de l’apartheid et à la Namibie à s’affranchir de la tutelle sud-africaine, mais la dernière véritable colonie européenne vient de disparaître du continent. Alors qu’au petit matin le calme revient dans les rues de Harare, une ère nouvelle commence.

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