Projet pharaonique à Abou Simbel

Publié le 16 mars 2008 Lecture : 3 minutes.

Abou Simbel est un lieu magique et mystérieux. À 270 kilomètres au sud d’Assouan, les deux temples imaginés par Ramsès II, le plus réputé des pharaons d’Égypte, trônent dans le silence tels deux points perdus dans l’immensité. Échoués sur le flanc d’une colline, au bord d’une mer de sable et de rocailles, ils surplombent l’immense lac Nasser dont le clapot paisible court sur plus de 500 kilomètres de long, à la frontière de l’Égypte et du Soudan. Ramsès II était si attaché à son épouse favorite Néfertari – réputée être la plus belle femme de Nubie -, qu’il lui consacra l’un des deux temples, à elle et à la déesse de l’Amour, Hathor.
Mais à tout seigneur tout honneur. La passion du pharaon ne l’empêcha pas de se faire ériger le plus grand et le plus haut des deux monuments. À l’entrée de ce dernier, quatre immenses statues d’une vingtaine de mètres toisent le visiteur. Elles symbolisent les grandes étapes de la vie de Ramsès II, qui fut père de plus de 70 enfants. Deux fois par an, au printemps et à l’automne, le soleil pénètre à l’intérieur du temple, à travers un passage en pierre d’une soixantaine de mètres de long encadré de colonnes monumentales. Au bout de sa course, il vient illuminer la statue du pharaon.
Le site, d’une beauté intemporelle et millénaire, a failli être emporté par les eaux du lac Nasser au moment de la construction du barrage d’Assouan, dans les années 1960. Une intense mobilisation internationale l’a alors empêché de sombrer dans l’oubli. Grâce à un travail de titan, qui a duré quatre ans (1964-1968), les temples ont été transportés, pierre par pierre, une soixantaine de mètres plus haut. Bien au sec. Mais depuis 1997, un nouveau projet pharaonique, baptisé Toshka, a vu le jour à Abou Simbel.
Il s’agit de construire, à quelques kilomètres au nord des temples, un fleuve artificiel de 600 kilomètres devant relier le lac Nasser à l’oasis de Siwa, à 200 kilomètres au sud-ouest du Caire. Un « second Nil » coulant en direction de la capitale, à travers le désert de Libye. Seul inconvénient : les investisseurs, pour la plupart originaires des pays du Golfe, se seraient évaporés. Et seuls 80 kilomètres d’une langue bétonnée large d’une dizaine de mètres s’avancent aujourd’hui dans le désert

Irrigation vitale
L’objectif que doit atteindre Toshka est pourtant vital pour l’Égypte. Quatre-vingts millions d’Égyptiens se concentrent le long du fleuve nourricier, sur 5 % d’un territoire grand comme deux fois la France. Et un Égyptien naît toutes les 25 secondes soit 1 million tous les neuf mois ! Par ailleurs, le gouvernement veut encourager la contraception et inciter les femmes à n’avoir qu’un enfant tous les quatre ans, mais les islamistes freinent la diffusion des méthodes de régulation des naissances.
Conséquence : les terres cultivables sont grignotées par la construction de nouvelles routes et habitations. En détournant 5 milliards de mètres cubes d’eau par an, Toshka doit permettre d’augmenter les surfaces irriguées à hauteur de 40 % d’ici à 2017. Mais peu de candidats répondent à l’appel du gouvernement qui propose d’offrir à de jeunes Égyptiens des terres le long du fleuve artificiel. À cela s’ajoutent d’autres incertitudes : entre les doutes au sujet d’une évaporation trop rapide en plein désert et les critiques des pays riverains du Nil, inquiets de voir l’Égypte augmenter ses prélèvements du précieux liquide, Toshka peine à porter ses fruits. Faire fleurir le désert – après avoir apprivoisé le Nil – n’est pas une mince affaire. Même au pays des Pharaons.

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