José Luis Rodriguez Zapatero

Président du gouvernement espagnol

Publié le 16 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

Un regard bleu Méditerranée, deux accents circonflexes en guise de sourcils, un menton en galoche et une paire de fossettes creusées par un sourire éclatant. José Luis Rodriguez Zapatero, dit « Zétapé », a de bonnes raisons de jubiler : lors des législatives du 9 mars, les Espagnols l’ont reconduit pour quatre ans à la tête du gouvernement. Une victoire personnelle fondée sur un bilan et un projet plus à même de satisfaire son artisan que celle qui l’avait porté au pouvoir en 2004. À l’époque, la droite, emmenée par Mariano Rajoy (Parti populaire), avait payé au prix fort sa gestion catastrophique des attentats du 11 mars, à Madrid, qu’elle avait attribués à tort aux séparatistes basques de l’ETA. Pendant quatre ans, cette même droite n’a cessé de remettre en cause la légitimité d’un Zapatero qui, élu dans des circonstances particulières, au lendemain d’un événement traumatique, n’aurait ni la poigne ni les épaules pour diriger le pays… Avec cette réélection et la victoire du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Zétapé a apporté la preuve du contraire. Quant à l’attentat du 7 mars contre un ancien élu socialiste, s’il a favorisé une forte participation, il n’a guère influé sur le scrutin, les partis politiques comme les associations de victimes s’étant entendus pour refuser que l’ETA s’invite dans le débat.

Zapatero peut s’enorgueillir d’avoir réussi à remodeler l’Espagne grâce aux réformes entreprises ces quatre dernières années et accueillies favorablement par une majorité d’Espagnols : légalisation du mariage homosexuel, lutte contre la violence conjugale, parité homme-femme, simplification de la législation sur le divorce, fin de l’enseignement religieux obligatoire, instauration de l’instruction civique, renforcement de l’autonomie des régions, ouverture (éphémère) d’un dialogue avec l’ETA, réflexion sur la guerre civile. Et même si, depuis l’automne 2007, l’économie tend à s’essouffler, Zapatero peut encore se prévaloir d’un bilan honorable, fruit d’une stricte orthodoxie libérale : un budget excédentaire de 23 milliards d’euros, un chômage passé de 11,5 % à 8,5 %, un secteur du logement en plein boom.
Homme politique expérimenté qui ne laisse rien au hasard – il est entré au PSOE en 1978, à 18 ans -, Zapatero sait pourtant que son second mandat relèvera plus du parcours d’obstacles que de la promenade de santé. D’abord parce que sa victoire est courte. Avec 169 sièges, contre 153 pour le PP, le PSOE n’obtient pas la majorité absolue aux Cortes (175 sièges) et ne réduit pas l’écart qui le sépare de la droite. Zapatero aura donc besoin, pour gouverner, des nationalistes catalans de Convergencia i Unio (CiU, centre droit) et du Parti nationaliste basque (PNV). Il en a conscience : « Les Espagnols ont décidé d’ouvrir une nouvelle étape sans crispation, une étape de dialogue, qui exclut la confrontation », a-t-il déclaré, au soir du 9 mars. L’ancien professeur de droit constitutionnel à la carcasse dégingandée a pris l’habitude de gouverner avec une très courte majorité. Cela ne lui a pas trop mal réussi. Face à une droite pétrifiée dans une stratégie d’opposition systématique, Zapatero n’a cessé de prôner l’ouverture sur des questions cruciales comme le nationalisme et le terrorisme. Il a offert un nouveau statut d’autonomie à la Catalogne et tenté de mettre fin au terrorisme de l’ETA par le dialogue. Si cette dernière tentative a échoué, les Catalans comme les Basques ont tout de même reconnu en lui quelqu’un qui travaille dans leur intérêt et l’en ont remercié. En termes de voix, le PSOE a progressé de manière significative dans les deux régions concernées. Au grand dam de la droite, qui l’accuse de porter atteinte au nationalisme espagnol, voire de « détruire l’Espagne ».
Face à une conjoncture économique bien moins favorable que lors de la précédente législature, Zapatero aura du mal à tenir toutes ses promesses de campagne. Il s’est en effet engagé, entre autres, à supprimer l’impôt sur la fortune, à rendre 400 euros d’impôts sur le revenu à chaque foyer qui le paie, à augmenter le salaire minimum de 200 euros, à construire 150 000 logements sociaux en 2008, à créer 2 millions d’emplois, à ouvrir 300 000 nouvelles places de crèche et… à planter 225 millions d’arbres. Pour mener à bien ce vaste programme, celui que l’on surnommait autrefois « Bambi » à cause de ses (faux) airs ingénus ne pourra pas compter uniquement sur la baraka qui l’a accompagné jusqu’à aujourd’hui. Il lui faudra la patience du pêcheur – qu’il est – et l’endurance du randonneur – qu’il est aussi.

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Ses ennemis l’ont d’abord dépeint en personnage gris, mou et fade. Ses quatre années de pouvoir ont montré qu’il était capable de faire preuve d’une grande détermination et de prendre des décisions radicales. Ses réformes sociétales visant à moderniser l’Espagne ont, par exemple, suscité l’ire de l’Église. Du coup, Zapatero se voit aujourd’hui caricaturé d’une autre manière : en homme fourbe, manipulateur, froid et coupé des réalités. Gérôme Truc, doctorant en sociologie qui travaille sur les réactions des Européens aux attentats du 11 mars 2004, propose une vision plus nuancée : « Le principal trait de caractère de Zapatero, c’est son pragmatisme. Homme de consensus, il ne va pas au conflit et il est dépourvu de tout dogmatisme. Il clame haut et fort qu’il n’a pas lu les pères fondateurs comme Marx. Ce qui l’intéresse, ce sont les résultats. Il est prêt à faire des concessions, mais il attend un retour en échange. » Ce pragmatisme, Zapatero n’a guère attendu pour le mettre en avant. Le 9 mars au soir, il annonçait déjà : « Je gouvernerai en corrigeant les erreurs. » Mais le marasme qui s’annonce – hausse du coût de la vie, multiplication des emplois précaires, inflation – risque de rendre les réformes plus difficiles. Surtout si Zapatero envisage d’être celui qui fera évoluer la Constitution de 1978, trop ambiguë quant aux « nationalités » ou « communautés », et permettra à l’Espagne de choisir son modèle d’État-nation.

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