Un journaliste tombé dans l’oubli

Publié le 16 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Au milieu de la joie bien compréhensible en France après la libération des deux reporters retenus en otages en Irak, un autre journaliste français mériterait un peu d’attention. Guy-André Kieffer, disparu le 16 avril 2004, dont on est toujours sans nouvelle.
L’enlèvement de Christian Chesnot et Georges Malbrunot en Irak a déclenché une grande campagne médiatique. Des célébrités comme les actrices Catherine Deneuve et Juliette Binoche ont lancé de vibrants appels sur les ondes, et la Mairie de Paris a affiché sur sa façade les photos géantes des deux hommes. Guy-André Kieffer, lui, n’a pas bénéficié du moindre soutien public. Alors que le gouvernement entrait dans un complexe ballet diplomatique pour obtenir la libération des otages, il a gardé profil bas en ce qui concerne Kieffer.

Pourquoi une telle différence de traitement ? L’ancien journaliste de La Tribune a-t-il été assez malchanceux pour disparaître dans une région lointaine, hors des écrans radar de la France ? Non. Kieffer a été enlevé en Côte d’Ivoire, le problème numéro un de la politique extérieure française.
Il y a deux ans, Paris a dépêché dans son ex-colonie des parachutistes pour stopper les combats entre troupes gouvernementales et rebelles. Quelque cinq mille soldats y stationnent désormais, le plus important déploiement de troupes françaises à l’étranger. Kieffer enquêtait sur la corruption dans le commerce du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le plus gros producteur mondial. Certains de ses liens mènent directement à l’entourage du président Laurent Gbagbo, qui n’est pas en bons termes avec son homologue français Jacques Chirac, le gouvernement ivoirien accusant la France d’être du côté des rebelles.

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Certes, les deux affaires et leur impact sont différents. L’opposition de la France à la guerre en Irak et sa politique « proarabe » semblaient devoir protéger ses ressortissants du fanatisme islamique. Quel choc de constater qu’il n’en était rien. De nombreux médias français considèrent les actions terroristes en Irak comme sinon légitimes, du moins compréhensibles en tant qu’actes de résistance devant un occupant étranger. Quel choc également lorsque ces pratiques terroristes ont touché les intérêts français.
C’est probablement trop espérer que d’imaginer une telle expérience susceptible de guérir les Français d’une illusion, celle qui consiste à croire que la menace terroriste islamique est un problème concernant uniquement les États-Unis. Ils devraient pourtant prêter davantage attention à Guy-André Kieffer, enlevé dans le « petit Irak » français, pierre d’achoppement pour la politique étrangère de la France.

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