Une majorité très relative

Mahmoud Abbas a été élu avec 62,32 % des voix. Mais un tiers des Palestiniens en âge de voter sont restés chez eux. La marge de manoeuvre du nouveau président est étroite…

Publié le 16 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Les institutions mises en place en 1994 ont à nouveau démontré qu’elles fonctionnent efficacement. Ce qui n’est pas rien, compte tenu du morcellement des territoires palestiniens et du strict contrôle auquel ils sont soumis de la part des forces d’occupation israéliennes.
Démocratiquement élu le 9 janvier, Mahmoud Abbas a prêté serment trois jours plus tard. Mais la trêve qui a rendu possible le déroulement pacifique du scrutin aura duré moins de trois jours. Dirigée par ceux-là mêmes qui ont boycotté la consultation – les islamistes du Hamas et du Djihad -, la résistance palestinienne a repris ses opérations dans la nuit du 11 au 12 janvier : à Gaza et dans les villes israéliennes avoisinantes, des roquettes ont été tirées contre des colonies juives. En guise de représailles, l’armée israélienne a aussitôt déclenché un raid aérien et terrestre, relançant du même coup le cycle de la violence. Dans la matinée du 12, un attentat a visé un véhicule militaire à la sortie de Morag, l’une des implantations juives de la bande de Gaza (cinq soldats israéliens plus ou moins grièvement blessés). Au même moment, Tsahal prenait d’assaut une maison près de Ramallah, en Cisjordanie, tuant deux membres du Hamas… Bref, le mandat d’Abbas est plutôt mal parti. Lui que les dirigeants israéliens et américains qualifient à l’envi de « modéré » a, si Dieu lui prête vie, quatre ans devant lui pour réussir. Huit ans, au maximum, s’il est réélu en 2009.
Pendant toute la campagne électorale, il n’a cessé de répéter qu’il poursuivrait les mêmes objectifs que Yasser Arafat, sans recourir à la violence. Mais comme il n’a pas non plus l’intention de désarmer les combattants palestiniens, et que, de son côté, le Premier ministre Ariel Sharon ne changera sûrement pas de politique, on voit mal comment il pourrait parvenir à ses fins. Selon toute apparence, la violence a encore de beaux jours devant elle !
L’analyse du scrutin le montre : la marge de manoeuvre du nouveau président est étroite, même si, symboliquement, il a obtenu le même pourcentage des suffrages exprimés que Sharon en 2001. Abbas n’a pas, en effet, bénéficié d’un raz-de-marée électoral comparable à celui qui, dans l’euphorie des accords de paix d’Oslo I (1993) et Oslo II (1995), avait porté Yasser Arafat à la tête de l’Autorité palestinienne.
Le 20 janvier 1996, deux candidats étaient en lice, contre sept le 9 janvier dernier. Arafat l’avait emporté avec 88,2 % des suffrages, contre 11,5 % à Samiha Khalil, sa rivale, hostile aux accords de paix (les 0,3 % manquants étaient constitués de bulletins blancs ou nuls). À huit ans d’intervalle, le nombre des votants est presque inchangé (750 000, contre 775 000), mais le taux de participation a baissé – 74 % des inscrits en 1996, 70,05 % cette année – en raison principalement de l’appel au boycottage lancé par le Hamas et le Djihad islamique. Ces deux mouvements avaient certes déjà boudé la consultation en 1996, mais leur audience, à l’époque, était moindre.
Témoignage, sans doute, de la faible mobilisation de l’électorat, du durcissement des conditions de vie de la population et des entraves imposées à la liberté de circulation par les forces israéliennes, le nombre des inscrits sur les listes électorales n’a que faiblement augmenté : 1,013 million de personnes en 1996, 1,106 million cette année (+ 9,2 %), alors que, dans le même temps, la population des territoires est passée de 3 millions à 3,6 millions d’habitants (+ 20 %). Selon la Commission électorale centrale palestinienne (CEC, indépendante), un tiers des Palestiniens en âge de voter (18 ans ou plus) sont restés à l’écart du processus électoral – et donc de la politique.
Nul doute que Mahmoud Abbas saura tirer du scrutin les enseignements qui s’imposent. Il a été élu avec 483 039 voix, soit 30 % des Palestiniens résidant dans les territoires et seulement 15 % de l’ensemble des Palestiniens en âge de voter (y compris les réfugiés et les expatriés). Sa majorité « locale » de 62,32 % est donc toute relative !

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