Le Burkina Faso avance au rythme de la « real economy »
À mi-parcours du plan quinquennal, la croissance s’accélère. Preuve qu’en se concentrant enfin sur l’amélioration des conditions de vie, le pays marque des points sur tous les tableaux.
« Il faut renforcer les piliers de la croissance ! » martèle Lucien-Marie Noël Bembamba, le ministre burkinabè de l’Économie et des Finances. Cette formule – un peu ésotérique pour le commun des mortels – désigne la tâche à laquelle s’est attelé le gouvernement : faire progresser le PIB du pays de façon soutenue et équilibrée dans la durée. Une politique qui a pris le doux acronyme de Scadd, Stratégie de croissance accélérée et de développement durable, pour la période 2011-2015. Un peu plus de deux ans après sa mise en oeuvre, de Washington à Paris en passant par Taiwan, les bailleurs de fonds sont unanimes, cette Scadd a fait du Burkina un bon élève. Le Fonds monétaire international (FMI) souligne ainsi dans son communiqué de presse du 19 décembre que, « malgré les multiples chocs exogènes » qu’il a subis en 2011 (crise sociale) et au premier semestre 2012 (afflux des réfugiés maliens), le pays « a continué d’enregistrer de solides résultats macroéconomiques » en 2012.
Certes, le déficit budgétaire s’est légèrement creusé pour passer ces épreuves, mais la croissance du PIB réel du pays pour 2012 a été revue à la hausse par le FMI, à 8 % au lieu des 7 % prévus. Des résultats obtenus grâce au redressement de la production agricole, en particulier cotonnière, aux nouvelles recettes issues des activités minières aurifères en forte augmentation, à l’essor des échanges avec la Côte d’Ivoire, sans oublier une aide internationale généreuse, qui dope le budget d’investissement en infrastructures.
Ouagadougou s’est doté de l’un des cadres budgétaires les plus efficaces du continent.
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Ouagadougou s’est surtout doté de l’un des cadres budgétaires les plus efficaces sur le continent. Le FMI loue ainsi « les progrès remarquables accomplis » en matière de stabilisation de la balance économique, de progression des recettes fiscales, de réduction des subventions des hydrocarbures, d’amélioration de l’environnement des affaires, etc. Il semble loin le temps où les bailleurs de fonds dénonçaient le clientélisme, la corruption, la spoliation de terres et de pans entiers de l’économie par des proches du pouvoir, et la paupérisation de la population.
Si ces mauvaises pratiques n’ont pas toutes disparu, le président Blaise Compaoré a compris l’intérêt de les réduire. Au pouvoir depuis 1987, le chef de l’État fait face à un phénomène d’usure – en témoignent les émeutes de 2011 – que seule une réelle amélioration des conditions de vie de ses compatriotes peut contrebalancer. Sa priorité actuelle est donc que l’embellie économique se traduise par un sentiment de bien-être de la population.
Car le pays reste pour le moment dans les profondeurs du classement de l’indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), au 181e rang sur 187. Plus de 56 % des 17 millions de Burkinabè vivent en effet en dessous du seuil de pauvreté (soit un revenu inférieur à 1,25 dollar par jour), les plus touchés étant les habitants de la Boucle du Mouhoun (dans l’ouest du pays), du Plateau central, du Sud-Ouest et du Centre-Est. L’espérance de vie a certes progressé de plus de neuf ans depuis 1980, mais elle dépasse à peine 55 ans. Enfin, la croissance démographique, d’environ 3 % par an, génère l’arrivée de quelque 500 000 nouveaux travailleurs chaque année sur le marché du travail.
Depuis 2011, les efforts déployés dans le cadre de la Scadd reflètent directement la priorité donnée à l’amélioration des secteurs sociaux ainsi qu’à l’accès aux services essentiels. Notamment pour la santé et l’éducation. En deux ans, le taux de couverture vaccinale est devenu maximal, celui des centres de soins dotés du minimum requis de personnel infirmier est passé de 83 % à 88 %. Le taux de scolarisation a bondi quant à lui de 77,6 % à 82,4 %. Les efforts portent par ailleurs sur les grands chantiers d’infrastructures et le développement agricole et agro-industriel, deux secteurs pourvoyeurs d’emplois, la dynamisation des activités des PME-PMI, la formation des jeunes, la mise en place de volets sociaux (assistance alimentaire, éducation, santé…).
« Je suis assez optimiste pour les deux à trois prochaines années, explique Mamady Sanoh, patron d’Industrial Promotion Services [IPS, groupe Aga Khan] au Burkina et premier secrétaire de la Chambre de commerce et d’industrie du pays. Notre économie est stimulée par les grands chantiers et le boom minier. »
La production aurifère monte en puissance – 12,5 tonnes en 2009, 23,5 t en 2010, 32,6 t en 2011, et elle doit passer à près de 55 t en 2017 -, ce qui profite au passage aux activités de services : transport, équipement, construction, etc. « Cela engendre néanmoins des effets pervers, déplore un banquier burkinabè. Les populations locales peinent à se loger car les prix de l’immobilier flambent dans les zones de production. Elles ont aussi tendance à abandonner leurs activités agricoles… »
Ce qui n’est pas le cas dans la zone de Bagré (Centre-Est). L’aménagement de 500 000 ha cultivables permettra de faire passer la production de céréales, légumineux, légumes et fruits de 157 000 t à 450 000 t, auxquelles s’ajouteront 2 400 t d’aliments pour bétail, 1 250 t de poisson avec, à la clé, 30 000 nouveaux emplois.
Cash
Autres projets en cours et pourvoyeurs de main-d’oeuvre en matière d’infrastructures : la construction du nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin, la réhabilitation de la ligne de chemin de fer Ouagadougou-Abidjan, ainsi que la réalisation de l’autoroute entre les deux métropoles. Le dénouement de la crise ivoirienne a par ailleurs permis de relancer les flux commerciaux entre les deux pays, et les entreprises burkinabè se positionnent sur de nouveaux marchés. Par ailleurs, les transferts de fonds de la diaspora burkinabè (estimée à plus de 3 millions de personnes) en Côte d’Ivoire, bien que difficilement chiffrables, sont également en hausse.
À l’instar des experts du FMI, le ministre de l’Économie et des Finances prévoit que « le pays devrait encore atteindre entre 7 % et 8 % de croissance en 2013 ». Seule ombre au tableau : une inflation de 3,6 % due en grande partie à l’envolée des cours du baril. En l’absence de caisse de compensation, la société publique des hydrocarbures, la Sonabhy, joue le tampon pour que les prix à la pompe n’augmentent pas trop fortement, l’État épongeant ses dettes. En 2012, plus de 30 milliards de F CFA (45,7 millions d’euros) ont dû être injectés dans la société.
Mais là n’est pas le principal risque identifié. Très enclavé, le Burkina « paie cash » les crises intervenant dans les pays voisins. Après avoir grandement pâti des effets de la crise ivoirienne, il doit actuellement héberger des dizaines de milliers de réfugiés maliens. Sans compter le coût du déploiement de ses troupes à la frontière et chez le voisin dans le cadre de la force d’intervention africaine. Cette guerre à sa porte pourrait aussi ralentir les investissements. « L’environnement régional est évidemment scruté à la loupe par les investisseurs, même si le Burkina est un pays sûr », concède un banquier ouagalais.
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