Les banques sud-africaines à l’attaque des marchés subsahariens
En devenant le principal actionnaire d’Ecobank, Nedbank étend son influence sur l’ensemble du continent. Standard Bank, Absa et FirstRand avancent eux aussi leurs pions.
C’était attendu. Mike Brown, directeur général de Nedbank, l’avait annoncé le 25 janvier à Johannesburg, lors de la publication des résultats annuels du groupe. La troisième banque sud-africaine a décidé d’exercer l’option qui lui permet de convertir en actions, au bout de deux à trois ans, le prêt de 220 millions d’euros accordé à Ecobank en décembre 2011. À partir de novembre, Nedbank deviendra le principal actionnaire du groupe panafricain basé à Lomé, avec 20 % du capital. À la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, le marché a accueilli la nouvelle avec enthousiasme : le 26 janvier, le titre Ecobank a atteint son plus haut niveau depuis le début de l’année, à 48 F CFA, soit 0,07 euro (35 F CFA le 2 janvier).
Nedbank rejoint ainsi un autre groupe sud-africain au tour de table d’Ecobank : Public Investment Corporation, qui a racheté 19,58 % du capital en 2012. Le fonds d’investissement public est le deuxième actionnaire de l’assureur Old Mutual (5,52 % du capital), qui détient lui-même 52,13 % de Nedbank. Ce lien, certes indirect, est à l’origine de nombreux pronostics : certains financiers pensent que les deux groupes sud-africains pourraient s’entendre pour prendre le contrôle d’Ecobank. « Même si cela peut être complexe à réaliser, une OPA de Nedbank n’est pas à exclure », affirme un gestionnaire de fonds.
Du côté d’Ecobank, qui a aussi la possibilité de prendre une participation dans Nedbank, on écarte cette éventualité. On préfère parler d’un renforcement du partenariat entre les deux groupes : « Nous avions déjà un accord commercial, confirme un cadre du groupe. Mais cette prise de participation peut contribuer à une plus grande synergie entre les deux banques et à la mutualisation de certains coûts. » Surtout, l’entrée au capital d’Ecobank, présent dans 33 pays, permet à Nedbank de se développer sur l’ensemble du continent et de tenter d’y rattraper ses compatriotes.
Alors que les deux premières banques sud-africaines, Standard Bank et Absa, mènent l’offensive subsaharienne depuis quelque temps, Nedbank n’était jusque-là actif que sur cinq marchés mineurs au-delà de ses frontières (Swaziland, Lesotho, Zimbabwe, Malawi et Namibie). Soit loin derrière Standard Bank, qui possède 17 implantations africaines hors Afrique du Sud et en tire désormais 10 % de ses revenus – une proportion qu’il souhaite porter à 25 % dans les cinq prochaines années. Leader en Ouganda, au Kenya et au Mozambique, Standard Bank a récemment nommé un directeur exécutif dont la principale mission sera de piloter son expansion africaine.
De son côté, Absa est sur le point de créer l’un des plus importants réseaux bancaires panafricains. Le numéro deux sud-africain, jusqu’ici présent dans seulement deux pays hors Afrique du Sud, vient de boucler avec sa maison mère, le britannique Barclays, une opération qui lui permet de prendre le contrôle des activités de cette dernière dans huit autres pays africains. Absa s’appellera désormais Barclays Africa et pèsera plus de 14 millions de clients, 1 300 points de vente et 10 400 distributeurs automatiques dans dix pays hors Afrique du Sud. « Le groupe franchit une étape décisive dans son ambition panafricaine, car les opérations africaines de sa maison mère sont plus rentables que celles de Standard Bank », explique Charles Russell, analyste chez le courtier Macquarie First South Securities.
Lire aussi :
Nedbank va exercer son option de rachat sur 20% d’Ecobank en novembre
Barclays : la cohérence retrouvée
Barclays et Absa veulent donner naissance à la plus grande banque panafricaine
Les sud-africains partent à l’assaut du continent
À l’affût
Quant à FirstRand, la quatrième banque sud-africaine, elle a aussi fait du reste de l’Afrique une priorité – même si elle a ouvert une filiale en Inde début 2012. Le Nigeria, plus grand marché subsaharien et premier producteur de pétrole de la région, est l’une de ses principales cibles. Le groupe vient d’ailleurs d’y obtenir un agrément pour son activité de banque d’investissement et espère y développer, dans un avenir proche, sa filiale banque de détail. Au Ghana, autre marché très convoité, FirstRand est sur le point de boucler une acquisition pour un montant de 300 millions d’euros. Les dirigeants du groupe se disent à l’affût de toutes les opportunités qui pourraient se présenter sur le reste du continent.
« Après avoir tenté, sans succès, de se développer sur les marchés émergents situés hors du continent [Standard Bank a tiré un trait sur ses ambitions au Brésil, en Argentine, en Russie et en Turquie, NDLR], les banques sud-africaines ont compris qu’il y avait plus d’opportunités en Afrique, où la croissance reste forte, et le secteur bancaire peu développé », note Cyrille Nkontchou, associé gérant d’Enko Capital. Reste qu’elles devront compter avec la concurrence des marocains Attijariwafa Bank, BMCE Bank et Banque populaire, qui se sont montrés agressifs en Afrique subsaharienne ces dernières années. « Les banques sud-africaines sont beaucoup plus grandes et ont une assise financière plus importante. Leur avancée sur le continent dépendra de leur appétit », conclut Cyrille Nkontchou.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- « Neuf des vingt pays qui présentent les taux de croissance les plus forts au mond...
- Doublé par la junte au Mali, Maroc Telecom restera-t-il dans le pays ?
- Le bras de fer s’intensifie entre Assimi Goïta et Mark Bristow
- Emmanuel Macron au Maroc : qui sont les patrons qui l’accompagneront et quel est l...
- Chez Itoc au Sénégal, les enfants de Baba Diao revisitent la gouvernance du groupe