Fifa : mieux que l’ONU ?

La Fédération inter nationale fait respecter ses statuts malgré les ingérences politiques. Interview.

Publié le 16 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

La Fédération internationale de football Association compte plus de membres que les Nations unies. Jalouse de son indépendance et soucieuse de démocratie et de bonne gouvernance, elle veille sur le strict respect de ses statuts. Et parvient mieux que l’ONU à faire appliquer ses décisions, en Afrique notamment, grâce à son secrétaire général adjoint Jérôme Champagne. Ancien journaliste sportif, ex-diplomate, conseiller du président de la Fifa de 1999 à décembre 2002, aujourd’hui secrétaire général adjoint de cette vénérable institution, en charge des relations avec les associations nationales… Jérôme Champagne, 46 ans, occupe un poste clé pour lequel il arbore, au gré des circonstances, une casquette de « ministre » des Affaires étrangères, de « commissaire » au Développement, mais aussi de « monsieur Afrique » de la Fifa. Un continent où les motifs d’empoignade ne manquent pas. Derniers en date : Cameroun et Nigeria, pour ne citer que ces deux pays.

Jeune Afrique/l’Intelligent : Depuis 1999, les conflits entre fédérations nationales africaines de football et ministres de tutelle se sont multipliés. Comment expliquer l’ampleur de ce phénomène ?
Jérôme Champagne : Il n’y a pas que l’Afrique. Tous les continents sont concernés par l’ingérence gouvernementale dans le fonctionnement des associations nationales. De plus en plus, des politiciens en quête de promotion cherchent à se servir de la grande popularité du football et n’hésitent pas à saisir les tribunaux quand leurs candidats perdent les élections. La Fifa défend partout l’autonomie des fédérations et fait respecter ses statuts, notamment l’article 17 [qui stipule que « les organes des membres ne peuvent être désignés que par voie d’élection ou de nomination interne…].
J.A.I. : Comment la Fifa s’y prend-elle ?
J.C. : Elle fait respecter la bonne gouvernance et le développement durable à l’aide d’outils adéquats.
– La professionnalisation et la modernisation des structures fédérales : les secrétaires généraux des associations nationales seront nommés, non par les ministères de tutelle, mais par des organes démocratiquement élus : les comités exécutifs.
– La transparence financière : depuis 2004, chaque association doit se soumettre à l’audit d’un cabinet local.
– La mise en place de plans de développement à long terme.
– L’association des clubs de haut niveau au processus de décision.
J.A.I. : De nombreux ministres des Sports reprochent à la Fifa son rigorisme et son interventionnisme. Elle ne reconnaîtrait ni leur droit d’ingérence ni les législations nationales, et ne respecterait pas le mouvement associatif…
J.C. : Ces critiques maquillent la volonté délibérée de continuer à diriger le football. La Fifa reconnaît la souveraineté des États, mais ses statuts lui assignent la mission de gérer un sport dont l’organisation, au plan national, relève de la compétence de fédérations autonomes. Elle encourage le dialogue avec les autorités, auxquelles elle reconnaît la responsabilité de développer la pratique du football. Mais un ministre des Sports n’a pas à gérer au quotidien une association ou une équipe nationales. S’il opte pour la confrontation sportive internationale, il doit respecter les règles de la Fifa.
J.A.I. : La Fifa, avec la Confejes*, a participé le 6 juillet 2004, à Paris, à l’élaboration d’une charte de bonnes relations entre les gouvernements et les fédérations, nationales et internationales. Qu’en est-il advenu ?
J.C. : Ce texte codifie les relations de travail entre une fédération et son ministère de tutelle. Une convention type sera bientôt définie.
J.A.I. : Sous la contrainte de la Fifa, des ministres des Sports se résignent à l’organisation d’élections. Mais s’arrangent pour faire gagner leurs protégés…
J.C. : Il y a aussi, et de plus en plus, ceux qui bloquent les élections parce que leurs candidats risquent la défaite ! Mais l’Afrique commence à faire entendre sa voix et son exigence de démocratie au sein des fédérations sportives. Il y a un vrai débat sur l’organisation du football. Le rôle de la Fifa est de le stimuler et de l’accompagner.
J.A.I. : La Fifa exige la démocratie et la bonne gouvernance. Mais pourrait-elle les imposer si elle n’avait pas lancé, depuis 1999, le PAF et le programme Goal ?
J.C. : Impossible de dire ce qui se passerait sans le PAF [Projet d’assistance financière qui régit les modalités de l’aide que la Fifa accorde à tous ses membres : 10 millions de dollars sur quatre ans] ni le Goal [qui offre des projets sur mesure pour répondre aux besoins des pays émergents]. La Fifa est déterminée à travailler sur le long terme, avec un objectif pour 2007 : doter chaque association d’un siège et d’un centre technique.
Ces vingt-cinq dernières années, elle s’est surtout préoccupée des équipes nationales. Avec un résultat probant : le rapprochement des continents au niveau sportif. La création de la Coupe du monde des clubs, qui démarre en 2005, entend à son tour réduire l’écart entre les équipes régionales. La rotation de la Coupe du monde des nations demeure toutefois l’élément central de notre politique, et le président Joseph S. Blatter n’oublie pas ce que le football doit à l’Afrique.
J.A.I. : De quel outil de gestion la Fifa est-elle le plus satisfaite : du PAF ou du Goal ?
J.C. : Pour le PAF, la Fifa exerce un contrôle a priori et exige, chaque année, des comptes : tirées au sort, 10 % des fédérations bénéficiaires sont soumises à un audit du cabinet fiduciaire KPMG. Quant au programme Goal, il finance directement la réalisation des projets agréés : pas un centime ne transite par les fédérations.

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* Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports des pays ayant le français en partage.

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