Sociétés de sécurité : la ruée vers l’ordre

Elles se nomment sociétés d’analyse et de gestion des risques. Leur spécialité ? Protéger les entreprises de menaces comme le terrorisme et la piraterie. Autant dire que leur activité prend de l’ampleur en Afrique…

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ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 12 mars 2013 Lecture : 4 minutes.

Tout le monde ne pâtit pas de l’insécurité. Avec le Printemps arabe, la piraterie et le terrorisme, les entreprises qui conseillent et protègent les intérêts des entreprises en Afrique ont le vent en poupe. Les « sociétés d’analyse et de gestion des risques » – comme elles se nomment – sont actives depuis longtemps auprès des groupes extractifs : les contrats auprès des pétroliers, gaziers et miniers constituent de 60 % à 80 % de leurs revenus. Mais les dernières crises leur ouvrent de nouveaux marchés, tant sur les plans géographique que sectoriel.

« En Libye, on assiste à une véritable ruée des sociétés qui cherchent à offrir leurs services de protection contre l’insécurité ambiante », observe Bruno Delamotte, PDG du groupe français Risk & Co, présent à Tripoli et dont le chiffre d’affaires total est passé de 16 millions à 20 millions d’euros entre 2010 et 2012. « Tous les secteurs sont concernés, celui du pétrole mais aussi les chantiers d’infrastructures et les télécoms », indique-t-il.

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« Ces deux dernières années, le marché de la sécurité maritime a connu une très forte croissance à cause des prises en otage de marins et des détournements de navires », complète Gilles Sacaze, directeur général du groupe Gallice, qui a développé une offre spécialisée, notamment à Madagascar. « Le phénomène décroît dans le golfe d’Aden, mais il est en forte progression dans le golfe de Guinée, où la demande de protection a beaucoup crû », explique-t-il.

D’autres zones attirent l’attention de ces groupes. « Nous sommes très sollicités à propos de la situation au Kenya, où nous craignons de nouvelles vagues de violences à l’occasion des élections [du 4 mars, NDLR] », affirme Joanna Turner, directrice associée de Control Risks. « Au Mali, il est encore trop tôt pour agir. Mais après la guerre, il est évident que nous aurons un rôle à jouer », estime Gilles Sacaze. Gallice était déjà actif avant la crise auprès de sociétés minières opérant dans le pays.

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Sur le continent, le secteur de la sécurité privée n’a pas bonne réputation. Des sociétés comme le sud-africain Executives Outcomes, qui jouait le rôle de pourvoyeur de mercenaires, ont laissé un piètre souvenir. Mais depuis la signature du document de Montreux, en 2008, qui établit pour les sociétés des pays signataires des normes d’intervention strictes les distinguant du mercenariat, les affaires ont repris.

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« Les sociétés d’analyse et de gestion des risques suivent toutes le même schéma. Elles commencent par vendre du conseil en analyse des risques politiques et sécuritaires. C’est pour elles une porte d’entrée avant de proposer des audits et des plans d’évacuation, puis, dans un troisième temps, de prendre en main la sécurité opérationnelle des sites et du personnel de leurs clients, prestations qui constituent en réalité de 60 % à 85 % de leur chiffre d’affaires », détaille un ancien cadre qui a travaillé trois ans dans le secteur en Afrique.

Dans les pays francophones, sociétés françaises et géants anglo-saxons s’affrontent. Les premières ont émergé dans les années 1990. Elles ont souvent été fondées par d’anciens cadres de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, services de renseignements français) : c’est le cas de Gallice avec Gilles Sacaze et de Geos avec Stéphane Girardin. Leur chiffre d’affaires est encore limité (de 8 millions à 40 millions d’euros), tout comme leurs effectifs (de 100 à 500 salariés) ; mais l’Afrique représente une forte part de leurs revenus : 50 % pour Gallice, 30 % pour Risk & Co.

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Ces sociétés affirment avoir une approche plus « interculturelle » que leurs concurrents anglo-saxons. Ces derniers, comme l’anglo-danois G4S, le canadien GardaWorld et le britannique Control Risks, disposent en revanche de revenus et d’un réseau international bien plus importants. Ils offrent un service mondial, couvrant tous les continents et tous les risques, notamment informatiques et environnementaux. « Depuis notre bureau de Bogotá [Colombie], nous avons accompagné plusieurs de nos clients sud-américains en Afrique », indique Joanna Turner. Le chiffre d’affaires de Control Risks, qui compte plus de 2 000 collaborateurs dans le monde, était de 159 millions d’euros en 2010.

Assurances

Face à ces groupes occidentaux, pas de société africaine majeure. Et pour cause : les assureurs internationaux poussent leurs clients à choisir des sociétés de sécurité occidentales qu’ils connaissent et qui peuvent se prévaloir du respect des normes ISO et du document de Montreux. Faute de quoi les primes d’assurance facturées sont plus élevées.

Reste que tous les pays identifiés « à risque » par les analystes de ces sociétés ne constituent pas forcément des marchés intéressants pour elles, notamment si les États restreignent leur espace d’intervention. « En Algérie, la législation ne nous permet pas de faire grand-chose. Et en Libye, les nouvelles autorités sont obnubilées par les dérives en Afghanistan et en Irak, où la quasi-totalité de la sécurité publique a été sous-traitée à des groupes privés. Elles veulent circonscrire notre action », note Bruno Delamotte. Pour le PDG de Risk & Co, le Moyen-Orient, le Nigeria et l’Afrique du Sud restent des marchés plus attractifs que l’Afrique du Nord.

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