Paix sociale, mode d’emploi

Grâce à la flambée du cours des hydrocarbures, le gouvernement revalorise les salaires pour la deuxième fois en tout juste trois mois.

Publié le 15 octobre 2006 Lecture : 4 minutes.

Les trois bonnes nouvelles ont été annoncées au petit matin du 1er octobre, quelques minutes avant le s’hour, le dernier repas avant le début du jeûne du ramadan. Il y a d’abord la revalorisation de 20 %, à compter du 1er janvier 2007, du salaire national minimum garanti (SNMG), qui passera de 10 000 dinars à 12 000 dinars (109/131 euros). Ensuite, la signature des conventions de branche entre l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), le principal syndicat du pays, et les Sociétés de gestion des participations d’État (SGP), qui se traduira par des augmentations salariales comprises entre 20 % et 25 % dans la fonction publique (entre 10 % et 20 % dans le privé). Enfin, la conclusion entre le gouvernement, l’UGTA et les organisations patronales d’un « pacte économique et social » d’une durée de quatre ans, dont l’ambition déclarée est rien de moins qu’assurer la paix sociale et le développement du pays.
Abdelmadjid Sidi Saïd, l’inamovible patron de l’UGTA, ne cache pas sa satisfaction, même si sa proposition d’un SNMG à 15 000 dinars (165 euros) n’a pas été retenue. « Toutes les mesures adoptées depuis trois mois ouvrent de belles perspectives économiques et concourent à la stabilité sociale », s’est-il réjoui devant un parterre de journalistes, lors de la 12e réunion tripartite entre gouvernement, syndicat et patronat. Expédiée en moins de trois heures dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, ladite réunion n’a été qu’une simple formalité. « Ce ne sera pas long, car nous nous sommes mis d’accord sur la plupart des points », avait lancé le Premier ministre Abdelaziz Belkhadem en quittant la salle de presse pour rejoindre ses partenaires. De fait, presque tous les dossiers étaient déjà bouclés depuis plusieurs jours, voire plus semaines.
Les négociations préalables entre les représentants du gouvernement et ceux des différentes fédérations affiliées à l’UGTA avaient pourtant été longues et difficiles. Elles ont d’ailleurs abouti à des résultats sensiblement différents d’un secteur d’activité à l’autre. L’augmentation des salaires varie par exemple entre 19 % et 25 % dans le secteur de l’électricité et du gaz. Elle est de 23 % dans l’hôtellerie, mais seulement de 15 % dans les mines et l’agroalimentaire. Ces disparités s’expliquent évidemment par la situation financière des branches concernées : certaines sont florissantes, d’autres, au bord de l’asphyxie. Même dans le public, il existe d’importantes différences.
Le 1er juillet dernier, les salaires des fonctionnaires et des agents des institutions et administrations publiques avaient déjà été fortement revalorisés, de même que les retraites et les pensions d’invalidité inférieures à 10 000 dinars (109 euros). L’opération avait coûté au Trésor public environ 1,19 milliard d’euros. Cette fois, le coût avoisinera 1,6 milliard d’euros par an – ce qui commence à faire beaucoup. Il est vrai que, grâce à la flambée des cours du pétrole, le gouvernement a les moyens de sa politique. Le montant des réserves de change atteint aujourd’hui le niveau record de 70 milliards de dollars (66 milliards d’euros).
L’érosion du pouvoir d’achat, depuis plusieurs années, ayant provoqué de nombreux mouvements sociaux – notamment dans l’enseignement, la médecine et les transports -, il devenait urgent, pour éviter une explosion aux conséquences imprévisibles, de redistribuer plus équitablement les revenus de la rente pétrolière. Le gouvernement est parvenu à le faire, cette année, mais il en aurait bien incapable il y a seulement dix ans.
À l’époque, toute revendication d’augmentation des salaires était assimilée à un acte antipatriotique. Saignée à blanc par le terrorisme islamiste et frappée de plein fouet par l’effondrement des cours du pétrole, l’Algérie était à la dérive, au bord de la cessation de paiements. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia avait résumé les difficultés auxquelles son gouvernement était confronté par cette phrase à la vérité pathétique : « Nous ne disposons pas d’assez d’argent pour importer ne serait-ce qu’un bateau de blé. » Les temps ont changé, mais il reste à démontrer que la nouvelle politique salariale aura des effets conséquents et durables sur le niveau de vie des ménages. En dehors du gouvernement et du patron de l’UGTA, tout le monde en est-il convaincu ?
Mécontents, les retraités menacent en effet de descendre dans la rue et les syndicats autonomes, bien implantés dans l’enseignement et l’administration, n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer l’accord conclu par l’UGTA avec le gouvernement. Quant à l’Algérien moyen, comme d’habitude, il râle. « Le SNMG à 12 000 dinars ? C’est de la charité, s’indigne par exemple Malika, enseignante dans un lycée de la banlieue d’Alger. Nous voulons manger à notre faim, pouvoir acheter des livres, des habits neufs et des jouets pour nos enfants. Et, pourquoi pas, habiter un appartement décent. »
La majorité des Algériens ne meurent assurément pas de faim, mais leur pouvoir d’achat, en dépit des récentes augmentations, reste faible. Selon une étude publiée par l’UGTA, le budget mensuel d’une famille de sept personnes ne dépasse pas, en moyenne, de 24 790 dinars (262 euros).

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