Tout pour l’État

Dernier livre du regretté Naguib Mahfouz traduit en français, Son Excellence introduit le lecteur dans le monde impitoyable de la fonction publique égyptienne.

Publié le 15 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Naguib Mahfouz a jeté l’ancre en août 2006. Mais ses phrases résonnent encore, et c’est plus que jamais l’occasion de (re)découvrir ce grand écrivain, Prix Nobel de littérature en 1988. Beaucoup ont peur de se lancer à la découverte de ce monument des lettres égyptiennes. Par où commencer ? Plus d’une vingtaine de ses livres ont été traduits en français La bonne idée, c’est d’ouvrir Son Excellence, un roman court, qui se lit d’une traite et qu’a récemment publié Sindbad/Actes Sud.
Dans cet ouvrage, où l’on retrouve son style maîtrisé et soucieux des détails, Mahfouz nous fait entrer dans la tête d’Othmân Bayyouni, un fonctionnaire obsédé par sa carrière. Un antihéros pathétique, fasciné par la hiérarchie, qu’il ne qualifie qu’en termes religieux. Les premières pages du livre sont savoureuses à souhait. Le jeune homme encore fringant vient d’être promu fonctionnaire : « Il pensa qu’il venait d’entrer dans l’histoire de la fonction publique et qu’il lui était donné de comparaître devant la Suprême Présence. Il eut l’impression d’entendre un extraordinaire murmure qu’il était peut-être le seul à entendre et qui devait être la voix même du Destin. »
Avec une ironie toute en retenue, Mahfouz écrit plus loin : « Dans l’histoire de l’Égypte, la fonction publique était une institution sacrée à l’égal du temple, le fonctionnaire égyptien était le plus ancien fonctionnaire de l’histoire. Si, dans d’autres pays, la figure emblématique était celle du combattant, du politicien, du commerçant, du fabricant ou du marin, en Égypte c’était bien celle du fonctionnaire. »
Othmân Bayyouni, l’enfant de la rue populaire et populeuse d’al-Hussein, au Caire, veut atteindre le sommet, pourtant réservé aux hommes du sérail. C’est son parcours semé d’embûches, de soumissions et de concessions que raconte Son Excellence, introduisant le lecteur dans le monde impitoyable de la fonction publique égyptienne. Les années passent Othmân arrivera-t-il à passer du huitième au premier échelon ? Le roman se fait thriller psychologique, analysant la déchéance d’Othmân, qui, pour servir son ambition, sera passé à côté de sa vie et aura tout sacrifié : ses amours, ses amitiés, son bonheur, sa santé. Un scénario implacable, qui, avec virtuosité, dresse l’itinéraire d’une vie gâchée sur l’autel de l’État.

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