Plaidoyer pour une modernité arabe
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Sorti en 1999 aux éditions Albin Michel, Islam et Liberté, le malentendu historique, qui n’a été distribué en Tunisie qu’avec plusieurs années de retard, est sans conteste l’uvre majeure de Mohamed Charfi. L’auteur, qui s’inscrit dans la tradition réformiste musulmane et tunisienne, tente d’y concilier un islam relu et réinterprété avec les conceptions modernes du droit et de l’État. Son diagnostic est sans appel : l’obscurantisme et son cortège de châtiments corporels d’un autre âge trouvent leur explication dans l’ankylose de la pensée juridique musulmane et dans un contresens absolu : la sacralisation de la charia, qui est pourtant une uvre humaine. À l’instar, d’ailleurs, du califat, forme idéale de l’État pour les islamistes, qu’il considère comme une pure création historique. Et dont il juge sévèrement le bilan, catastrophique pour les libertés publiques. La société islamique, écrit-il, coincée entre un régime qui opprime sans retenue au nom de la religion et des oulémas inféodés au régime car ils lui doivent tout, n’a jamais pu produire « ni intellectuels élaborant une théorie de la liberté, ni militants capables de revendiquer la démocratie ».
Pour Charfi, liberté et démocratie dans le monde arabo-islamique resteront de l’ordre de l’impossible tant que le politique et le religieux n’auront pas été clairement séparés. Mais la transposition mécanique du modèle de laïcité à la française est inconcevable : il n’existe ni Église ni clergé dans l’islam sunnite, la construction et l’entretien des mosquées a toujours incombé principalement à l’État, tout comme la nomination des imams et des muftis. Le seul compromis possible, à ses yeux, réside donc non pas dans une séparation entre l’islam et l’État, mais dans celle, au sein de l’État, « de la fonction religieuse, qui serait assumée par une autorité indépendante, et des fonctions politiques ». Charfi conclut son essai par un plaidoyer pour une éducation moderne, plurilingue et décomplexée.
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