Samba et ronronnement

Publié le 15 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

La rencontre au sommet entre l’Amérique latine et le monde arabe, tenue à Brasilia, les 10 et 11 mai, s’est achevée sur une déclaration finale qui a surpris par sa teneur. Concluant une réunion aux arrière-pensées économiques, elle consacre une position politique assez tranchée : le droit des peuples à résister à l’occupation étrangère (allusion à la présence militaire américaine en Irak), le droit inaliénable du peuple palestinien à revendiquer le démantèlement des colonies israéliennes, y compris celles de Jérusalem-Est, et la dénonciation des sanctions américaines contre la Syrie.
Ce sommet, qui aurait pu n’être qu’une tribune de plus pour des dirigeants décriés par leur opinion ou une kermesse pour chefs d’État ayant du temps à tuer, a donc étonné observateurs et chancelleries. Certes, les plus sceptiques relèveront le décalage entre l’intérêt des dirigeants sud-américains pour la réunion et la désaffection de leurs homologues arabes. Sur les 22 États membres de la Ligue arabe, 8 seulement étaient représentés : Algérie, Comores, Djibouti, Irak, Qatar et Palestine, par leurs présidents, Liban et Mauritanie, par leurs Premiers ministres. Nuançant la qualité et le niveau de représentation, l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, président en exercice de la Ligue arabe, a affirmé, lors de la conférence de presse finale, qu’un chef d’État « mandatant un membre de son gouvernement pour parler en son nom lors de nos travaux s’engage aux côtés de ses pairs présents à Brasilia ». Le président algérien a, par ailleurs, nié que ces nombreuses absences étaient dues à des pressions américaines, comme l’ont laissé entendre les médias brésiliens et européens : « L’Algérie n’a subi aucune pression, et je ne crois pas que ce soit le cas pour ses voisins. » Un délégué est encore plus explicite : « La meilleure preuve que ces pressions sont une invention de journaliste est la présence du président irakien Jalal Talabani. Croyez-vous qu’il aurait pu faire le déplacement contre la volonté américaine ? »

C’est au Brésilien Luis Inácio Lula da Silva, président du « deuxième pays africain après le Nigeria », selon sa formule, que l’on doit l’idée de ce sommet. D’autant que son pays abrite une communauté arabe de plus de 10 millions de personnes. Après avoir constaté que l’Amérique latine ne pèse que 3,5 % dans les 240 milliards de dollars d’importations annuelles du monde arabe, il a décidé de réunir les deux entités pour donner un coup de fouet aux échanges commerciaux. Et misé sur Bouteflika pour convaincre ses pairs arabes. Il avait dépêché à Alger, en février dernier, son chef de la diplomatie, Celso Luiz Nunes Amorim, pour qu’il inscrive la question à l’ordre du jour du sommet arabe d’Alger, le 22 mars. L’idée a fait son chemin.

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Le sommet a-t-il tenu ses promesses ? Tous ceux qui s’attendaient à la naissance d’un nouveau bloc ou d’un nouvel axe en auront été pour leurs frais : Brasilia ne sera pas un Bandoung bis. D’ailleurs, la rédaction de la déclaration finale et le soutien à l’Irak et à l’Autorité palestinienne (Mahmoud Abbas a été accueilli par une standing ovation) n’ont pas été des plus simples. Contrairement au président vénézuélien Hugo Chávez, qui a profité de cette tribune pour fustiger l’unilatéralisme des États-Unis, le Péruvien Alejandro Toledo s’est efforcé de donner à cette rencontre un caractère plus économique et commerciale que politique. Cependant, si l’administration Bush n’a pas été épargnée par les intervenants, les organisateurs du sommet n’ont pas été jusqu’à convier le proscrit cubain, Fidel Castro.
Brasilia a donc entériné la décision d’une lutte commune pour une mondialisation équitable. Bouteflika et Lula se sont en outre engagés à organiser une rencontre au sommet entre l’Afrique et l’Amérique du Sud. L’idée sera soumise par le président algérien lors de la conférence des chefs d’État de l’Union africaine (UA), à Syrte, en juillet 2005.

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