Quand l’Irak inaugure le Festival

Publié le 15 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

La vedette des premiers moments du Festival de Cannes 2005 a été… l’Irak. Les deux premiers films en compétition, après Lemming, le psycho-polar au parfum de fantastique de Dominik Moll, projeté à l’issue de la cérémonie d’ouverture, avaient en effet pour sujets diverses conséquences « collatérales » de la situation prévalant dans cet État au cours des dernières années.

Kilomètre zéro a été tourné entièrement en Irak, non sans difficultés on l’imagine, par Hiner Saleem, un Kurde irakien, fin 2004 et début 2005. Il évoque le sort de ses congénères à travers le parcours de l’un d’entre eux, Ako, contraint de rejoindre les lignes de front de la guerre Iran-Irak alors qu’il ne se sent nullement concerné par ce conflit. Ce qui nous vaut quelques scènes cocasses comme celles au cours desquelles il tente, lors de batailles rapprochées, de laisser dépasser en permanence une de ses jambes de la tranchée où il est réfugié afin d’avoir une chance de voir son membre mitraillé par l’ennemi, ce qui lui assurerait d’être démobilisé. En espérant que sa femme – cette question le taraude – supportera la vie avec un unijambiste… Ako trouvera sans l’avoir cherché un moyen plus simple de fuir la zone des combats meurtriers : il est chargé par son chef de ramener jusqu’au Kurdistan sur le toit d’une voiture le cercueil d’un « martyr ». Il accompagne pour cette mission le chauffeur du véhicule, un Arabe avec lequel il ne cesse de se chamailler, d’autant que celui-ci affirme volontiers que « vous les Kurdes, vous refusez d’apprendre l’arabe, en fait vous refusez de vous civiliser ». Pas de quoi remonter le moral très atteint d’un homme qui pense que l’histoire de son peuple peut se résumer ainsi : « Notre passé est triste, notre présent est tragique, mais heureusement on n’a pas d’avenir. » Mais tout s’arrangera quand une dernière dispute provoquera la séparation des deux compagnons de voyage et permettra à Ako de fuir avec sa petite famille à l’étranger. Où il n’aura plus qu’à attendre la chute tant espérée du tyran, Saddam Hussein.
Avec Bashing, on a droit à une évocation beaucoup plus indirecte : le film, inspiré de faits récents, raconte comment une jeune Japonaise, Yuko, est persécutée dans son pays… pour avoir été prise en otage à Bagdad et libérée contre rançon. Partie servir ses idéaux humanitaires au Moyen-Orient, elle est considérée, depuis son retour, comme une traîtresse par la majorité de ses compatriotes, qui soutiennent l’intervention américaine et qui ne comprennent pas qu’on puisse vouloir poursuivre des objectifs personnels autres que ceux définis par l’État. Par la faute de Yuko, le pays a subi une « gêne », elle doit donc « payer » pour cela.

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Deux films de qualité inégale puisque le premier, esthétiquement réussi, mais très « politiquement correct » avec son plaidoyer aussi radical que peu original contre l’Irak de Saddam, se révèle beaucoup moins convaincant et réussi que le second, très sobre, mais qui dénonce précisément les discours convenus, ceux au nom desquels une « majorité silencieuse » peut se livrer à des pratiques d’une cruauté inouïe.

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