Les clés de la Banque

En quarante ans, bien des choses ont changé : répartition des pouvoirs, modes de financement, origine des capitaux, sélection des projets…

Publié le 15 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Qui gouverne ? Les pères fondateurs de la Banque – les chefs d’État et leurs ministres des Finances ou de l’Économie – avaient mal conçu le management. C’était dans les années 1961-1964. Le modèle dirigiste était alors en vogue et la Banque panafricaine allait durement en pâtir. La gestion a été confiée à un président élu sur recommandation d’un conseil d’administration omniprésent et omnipotent. Outre les gouverneurs (ministres), il y avait ainsi douze administrateurs permanents présents dans le siège et vivant aux crochets de la Banque. Le président devait leur obéir au doigt et à l’oeil. Sous peine d’être destitué. Le Soudanais Mamoum Beheiry en a fait l’amère expérience. Ayant présumé de ses forces au lendemain de sa réélection en 1969, il a été immédiatement remis à sa place par les administrateurs, c’est-à-dire dehors (février 1970).
Une première crise dont la Banque gardera les séquelles jusqu’en 1978-1979, au moment des négociations cruciales sur l’ouverture du capital aux pays non africains. Les pères fondateurs avaient en effet cru naïvement qu’une banque financée par les seuls Africains (uniques actionnaires) et pour les seuls Africains (uniques bénéficiaires) survivrait. Une erreur reconnue comme telle à partir de 1977. La question de l’ouverture du capital aux non-africains divise la Banque et déclenche une guerre intestine qui s’achève par la destitution du troisième président, le Ghanéen Kwame Fordwor (juillet 1979), et la victoire des partisans de l’association avec des bailleurs de fonds non africains.
Grâce à l’ouverture du capital (entrée en vigueur en 1982), la Banque peut enfin s’épanouir. Un de ses cadres parvient à se faire brillamment élire (1985) et réélire (1990) à la présidence : le Sénégalais Babacar Ndiaye. Hélas ! sa gestion devient désastreuse, et le conflit avec les administrateurs fait rage. En 1995, la BAD est au bord du gouffre. Il lui faut un sauveteur : il est – difficilement – trouvé en la personne du Marocain Omar Kabbaj.
Les réformes sont entreprises tous azimuts. Mais il a fallu au préalable les inscrire dans les statuts. Kabbaj dispose des pleins pouvoirs pour mener ce qu’il appelle pudiquement les réformes « de bonne gouvernance ». « Ces réformes sont les plus importantes et elles n’ont coûté aucun dollar à la Banque », note avec satisfaction l’un des vice-présidents de la BAD, le Canadien Chanel Boucher : le partage des pouvoirs entre le président et les administrateurs est désormais clair ; les vice-présidents deviennent membres du staff et sont nommés sur recommandation du président sur la base de leurs compétences (au lieu d’être élu par les gouverneurs, donc par le pouvoir politique) ; le nombre maximum de mandats est fixé à deux, pour le président comme pour les administrateurs (alors qu’il était illimité). La Banque est désormais gérée à la manière des autres institutions supranationales modernes : les compétences priment et les interférences politiques sont mises à l’écart.

Quelles conditions pour les prêts ? Le groupe BAD comprend trois guichets : celui de la Banque elle-même, qui prête à des conditions plus avantageuses que celles du marché international, celui du Fonds africain de développement (FAD), qui accorde des dons et des prêts à long terme (cinquante ans) à des conditions dites concessionnelles (sans intérêts, mais avec des commissions d’engagements et de service de 0,5 % et 0,75 %), et celui du Fonds spécial du Nigeria (FSN), qui prête à des conditions intermédiaires (pour une durée allant jusqu’à vingt-cinq ans et à un taux compris entre 2 % et 4 %).

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D’où viennent les ressources ? Ces distinctions dans les conditions de prêt sont liées à la nature des ressources : le guichet BAD est alimenté par des ressources empruntées sur le marché international aux meilleures conditions et garanties par son capital (grâce à la note triple A, voir page 98). Le guichet FAD est financé quasi entièrement par des dons volontaires des pays partenaires de la Banque (près de 23 milliards de dollars, dont 5,4 milliards pour la période 2005-2007). Quant au guichet FSN, il dépend des ressources fournies par le Nigeria (près de 900 millions de dollars) – c’est le seul pays pétrolier africain à avoir créé un tel fonds et à en avoir confié la gestion à la BAD.

Qui sont les bénéficiaires ? La Banque ne prête qu’aux pays africains indépendants (53). Un seul pays, à ce jour, a renoncé à son droit : la Libye. Entre le 20 avril 1967, date du premier prêt approuvé en faveur de la Sierra Leone, et le 20 décembre 2004, date du dernier prêt de 2004, au profit du Rwanda, le groupe de la BAD a financé la réalisation de plus de trois mille projets pour un montant total de 52 milliards de dollars, non compris les cofinancements obtenus des autres bailleurs de fonds. Au 31 décembre 2004, le montant des opérations en cours (hors projets terminés) s’élevait à 18,2 milliards d’unités de compte (1 UC = 1 DTS = 1,51058 dollar au 11 mai 2005), dont 7,4 milliards au titre de la BAD (317 projets), 10,7 milliards au titre du FAD (1 227 projets) et 122 millions au titre du FSN (46 projets). Les trois premiers bénéficiaires de la BAD sont la Tunisie (1 752 millions), le Maroc (1 547) et le Nigeria (446). Les trois premiers du FAD sont l’Éthiopie (908 millions), la Tanzanie (707) et le Mozambique (546). Pour le FSN, ce sont le Liberia (22 millions), le Bénin (12,2) et la Gambie (8,4).

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