La France que les Africains refusent

Publié le 15 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Devant les images insoutenables de Togolais à qui des soldats veulent imposer par la force les résultats des élections ; devant ces images d’hommes, de femmes et d’enfants sans défense dans leur propre pays, ce qu’aucune conscience citoyenne, humaine et républicaine ne peut accepter ; devant ce pays sombrant dans un chaos inutile et qui aurait pu être évité, comment le président de la République française peut-il être satisfait ?
Dès le début de la crise togolaise, dans sa prise de position personnelle et publique, il s’est aligné du côté d’un homme, Gnassingbé Eyadéma, mort après trente-huit années de pouvoir, qu’il a appelé publiquement son « ami personnel et ami de la France ». Il a pris le parti de son fils, Faure Gnassingbé, et donc d’une famille qu’il veut imposer à une république qui n’en veut pas. Comme au Rwanda en 1994, l’État français s’est engagé aux côtés de forces qui, au Togo comme en Côte d’Ivoire, à Madagascar, en République démocratique du Congo, en Centrafrique comme au Zimbabwe, au Burkina Faso, au Cameroun, endommagent les relations entre les peuples de France et d’Afrique. Ainsi se perpétue en terre africaine un sentiment de haine pour les Français et la France qui n’a de précédent que pendant les périodes de décolonisation. Il a déjà eu pour conséquence le rapatriement des Français de Côte d’Ivoire, une première depuis la guerre d’Algérie.
Cette France, les Africains n’en veulent plus. Elle dit « connaître leur âme », mais finance des forces sourdes à la volonté publique de voir reconnaître l’expression citoyenne à l’intérieur d’institutions républicaines. Elle méprise leurs frères et soeurs, les embarque dans des charters, les livre au racisme, en même temps qu’elle exploite les ressources de leurs pays. Elle a des bases militaires, refuge des derniers despotes africains et enchaîne les nations avec des accords secrets, activés selon l’humeur. Elle ne voit pas qu’une nouvelle génération d’Africains, née avec les indépendances, veut voir en elle un partenaire et une amie, non un maître. Au lieu de dialoguer avec cette Afrique indépendante, la France l’étouffe, la discrédite en lui inventant des hommes comme Guillaume Soro, Faure Gnassingbé ou même Joseph Kabila, croyant avec eux dialoguer avec l’Afrique de demain.
Comment être satisfait quand les troubles du Togo, de Côte d’Ivoire, hier de Madagascar et demain d’ailleurs, sonnent le glas de la politique africaine de la France ?

* Écrivain, dernier livre paru : Le Principe dissident (éditions Interlignes), Grand Prix littéraire de l’Afrique noire.

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