Chiens de paille à l’africaine

Le Jardin de papa, de Zeka Laplaine (sortie à Paris le 18 mai)

Publié le 15 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

En 1996, Zeka Laplaine avait fait une entrée remarquée sur la scène du cinéma africain avec Macadam Tribu. Alors que triomphait encore sur les écrans ce qu’on appelait
péjorativement le « cinéma calebasse » ces films « villageois », parfois d’ailleurs de
grande qualité, évoquant l’éternel conflit tradition-modernité , il avait fait souffler un vent de fraîcheur avec une chronique urbaine pleine de fantaisie, décrivant sur un ton très libre les aventures et mésaventures de jeunes et de moins jeunes dans une grande ville d’Afrique centrale. Depuis, ses films sont attendus avec intérêt, même si le deuxième, Paris : XY (2001), qui évoque un conflit conjugal assez glauque entre un Noir et une Blanche, n’a pas vraiment convaincu.
Avec Le Jardin de papa, le réalisateur change une nouvelle fois de genre. L’histoire ? Jean, un Français né en Afrique mais rentré depuis longtemps en Europe, vient d’épouser Marie. Il décide de l’emmener en voyage de noces dans le pays de son enfance. Mais la lune de miel va virer au cauchemar. Dès la sortie de l’aéroport, où Jean montre son visage d’ancien « colon » pas du tout repenti, tout en effet tourne mal.
Après diverses péripéties, le couple traverse en taxi, de nuit, un quartier populaire de la capitale. Et c’est l’accident : le chauffeur ne peut éviter un enfant qui traverse une rue obscure. Face à la foule en colère, excitée de surcroît par d’inquiétants militants politiques opposés au président en place – on est à la veille d’une importante consultation électorale -, le conducteur et ses passagers s’enfuient et se réfugient dans une villa où, pour ne pas être dénoncés, ils retiennent prisonnière l’occupante des lieux, la belle Kapinga, le « deuxième bureau » d’un riche homme d’affaires. Au milieu de la nuit, leur refuge est assiégé, on ne donne pas cher de leur peau…
Et voilà comment un banal accident de la route, parce qu’il survient dans un quartier déshérité, dans une période de tension politique, et qu’il implique des Blancs peu diplomates et des Noirs les nerfs à vif, va devenir l’occasion de véritables scènes d’épouvante. Le scénario n’est pas sans rappeler celui des Chiens de paille, le film de Sam Peckinpah. Un moment extrême qui sert de révélateur : il oblige les personnages, face au danger, à montrer leur vraie nature.
La réussite de toute la seconde partie du film tient à la capacité de Zeka Laplaine à créer avec talent cette atmosphère insupportable, qui tient en haleine le spectateur et évoque, métaphoriquement, le sort des populations de certains pays africains. Hélas ! l’ensemble reste largement inabouti. À cause notamment de l’entrée en matière, peu convaincante, et, surtout, du jeu très inégal des acteurs. Autant la chanteuse et comédienne Princess Erika, dans le rôle de la peu commode Kapinga, et, dans une moindre mesure, Akela Sagna, qui joue le chauffeur de taxi, emportent l’adhésion, autant les comédiens qui interprètent Jean (Laurent Labasse) et Marie (Rim Turkhi) n’arrivent que difficilement à faire croire à leurs personnages, trop caricaturaux.
Parce qu’ils n’ont pas su les incarner ou parce qu’ils ont été dirigés de façon maladroite ? Fils d’un « Blanc d’Afrique » d’origine portugaise et d’une Congolaise, Zeka Laplaine, qui vit le plus souvent à Paris, paraît ressentir avec plus de nuances le regard que portent les Africains sur les Européens que l’inverse. Dans ce film en tout cas.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires