Un phénomène de notre temps

Publié le 15 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Le terrorisme islamiste se cherche donc une place et un rôle au Maghreb, où il vient de frapper fort – et de donner de l’ampleur à un phénomène kamikaze, jusqu’ici exceptionnel dans cette partie du monde (et de l’Afrique).(1)
Personnifié, voire réinventé par al-Qaïda, ce terrorisme s’était fait connaître du monde entier avec éclat le 11 septembre 2001.
Ce jour-là, dix-neuf islamistes – dont quinze Saoudiens -, tous installés depuis plusieurs mois aux États-Unis et volontaires pour aller à la mort, ont pris par surprise le contrôle de quatre avions civils américains pleins de passagers pour les lancer à grande vitesse sur des tours et des bâtiments habités, faisant en quelques instants près de trois mille morts, dont eux-mêmes.
Le caractère spectaculaire du choc frontal d’avions s’enfonçant dans des tours et le nombre élevé de victimes ont fait alors passer au second plan la nouveauté – et l’énormité – d’un phénomène qui allait caractériser notre temps : non pas le phénomène du simple kamikaze, il s’était déjà manifesté ici ou là à travers les siècles, mais celui des kamikazes en série, disponibles sur demande, utilisés comme bombes humaines et comme instrument privilégié de la lutte du faible contre le fort.

En termes d’attentats-suicides, le Hezbollah libanais a été pionnier au Moyen-Orient(2) puisqu’il a trouvé, dès 1983, des kamikazes volontaires pour détruire simultanément le casernement de Marines américains de Beyrouth (241 soldats tués) et, toujours au Liban, le poste français du Drakkar (58 parachutistes tués).
Les islamistes palestiniens du Hamas et du Djihad lui ont emboîté le pas, imités eux-mêmes par le FPLP et les Brigades des martyrs d’al-Aqsa : ils ont conçu une variante, le kamikaze qui « se fait exploser » dans la foule israélienne. Ainsi ont-ils théorisé et pratiqué le terrorisme aveugle, très meurtrier puisqu’il a été responsable de 50 % environ des pertes israéliennes lors de la seconde Intifada.
Mais, même s’ils affirment n’avoir jamais manqué de candidats au martyre, ce qui paraît tout à fait vraisemblable, ils n’ont pas voulu – ou pas pu – faire de l’attentat-suicide l’acte de guerre quotidien qu’il est devenu en Irak depuis plus de deux ans.

la suite après cette publicité

C’est en effet à « al-Qaïda en Mésopotamie » qu’il est revenu de porter l’attentat-suicide au niveau incroyable qu’il a atteint en Irak : depuis quelque mille jours, au rythme de deux à trois par jour – 75 par mois ! -, des combattants (irakiens ou importés) se font exploser et tuent, à l’aveugle ou presque, dix à vingt personnes chacun !
Les spécialistes précisent que ces kamikazes – l’insurrection irakienne en a donc trouvé et utilisé jusqu’ici plus de 2 000 ! – sont généralement sunnites et que beaucoup d’entre eux viennent d’Arabie saoudite.
Ils ajoutent que le modus operandi a été exporté en Afghanistan, puis en Somalie, avec des incursions au Royaume-Uni, en Égypte, en Turquie, en Espagne et, aujourd’hui semble-t-il, au Maghreb.
Il n’est que temps de réfléchir à cette sinistre et terrifiante évolution.

Pourquoi, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, trouve-t-on de très jeunes gens – en nombre qui ne semble pas limité, éduqués ou non éduqués – qui acceptent de mourir, ou même le demandent, pour tuer (presque) n’importe qui, dont des femmes et des enfants ?
Pourquoi, en ce début de XXIe siècle, trouve-t-on ces kamikazes si facilement – et seulement – parmi une catégorie de musulmans ?
Il revient aux musulmans d’abord – mais pas à eux seuls – de chercher la ou les réponses à ces questions et le remède à cette maladie.
Je ne suis sûr pour ma part que d’une chose : la guerre contre le terrorisme telle qu’elle est menée depuis plus de cinq ans aggrave le mal et l’exacerbe au lieu de le guérir
(Voir pages 11-14.)

1. Avant les tragiques événements de ces derniers jours à Casablanca et à Alger, seuls deux attentats-kamikazes avaient eu lieu au Maghreb : Djerba (Tunisie) le 11 avril 2002 et Casablanca déjà, le 16 mai 2003. ?2. Mais plus loin, en Asie, les Tigres Tamouls du Sri Lanka, en rébellion contre leur pouvoir central, ont abondamment utilisé dès les années 1970 la technique de l’attentat-suicide, qu’ils ont, d’une certaine manière, réinventée et affinée.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires