Miracle à Abidjan

Publié le 15 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Le président Laurent Gbagbo en personne l’a annoncé : il se rendra dans le nord de la Côte d’Ivoire, fief de l’ex-rébellion, à la fin du mois. La « zone de confiance », cette bande démilitarisée de 12 000 km2 qui coupait le pays d’est en ouest, est supprimée depuis le 16 avril. Et le désengagement des troupes de l’ONU et des forces françaises de l’opération Licorne est désormais effectif. Quant au Premier ministre Guillaume Soro, dont la nomination semblait peu vraisemblable, il s’est adressé à la nation le 13 avril, tandis que le nouveau gouvernement dont la mise en place s’apparentait à une mission impossible, finit de s’installer (il ne compte plus que 33 ministres, au lieu de 36 dans le précédent). Depuis la fin des négociations de Ouagadougou, le 4 mars, les événements en Côte d’Ivoire se précipitent au rythme frénétique du calendrier défini dans la capitale burkinabè.
Les Ivoiriens découvrent que Dieu ne les a pas abandonnés et que les miracles existent. Le premier (et non des moindres) est que le tournant de la paix a été facilité par le président burkinabè Blaise Compaoré, qui, depuis l’éclatement de la crise en septembre 2002, jusqu’à une date encore récente, n’a cessé d’être pris à partie par la presse proche du camp présidentiel. Le second est le long chemin semé d’embûches et de volte-face, parcouru par Gbagbo et Soro. Longtemps perçus comme source de tous les blocages, les deux ex-belligérants se retrouvent au sommet de l’État pour jouer une partition à quatre mains. L’un a quitté son boubou de boutefeux, l’autre son habit de père Fouettard. Les deux hommes s’engagent aujourd’hui à faire ce qu’ils ont toujours eu du mal à admettre et à faire accepter par leurs partisans : composer.
Beaucoup s’attendaient à un gouvernement complètement différent des précédents. Ils découvrent qu’il répond à la même logique de partage du pouvoir, avec un centre de gravité obstinément placé dans le camp présidentiel – quoi qu’en disent les amis du Premier ministre. Mais l’attelage a ceci de particulier qu’il n’est pas imposé de l’extérieur et que Soro s’est apparemment converti au réalisme. Il est en effet convaincu que ses pouvoirs ne seront pas moins importants que ceux de ses prédécesseurs, Seydou Elimane Diarra et Charles Konan Banny. Soit il réussit à fédérer l’opposition, notamment le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié, et le Rassemblement des républicains (RDR), de l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, et il disposera alors d’une marge de manuvre qui lui permettra de prendre des décisions et de mener à bien son action. Soit il est condamné à laisser Gbagbo agir à sa guise, au risque de contribuer à marginaliser Bédié et Ouattara et de compromettre le processus de sortie de crise.
Mais les miracles sont fragiles. Sans doute en faudra-t-il d’autres pour sortir définitivement de l’impasse, à commencer par l’identification des populations et l’établissement d’un fichier électoral consensuel qui permette de tenir des « élections libres, transparentes et sincères » déjà repoussées par deux fois. Tout dépend de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro.

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