Mauvaise affaire

Publié le 15 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Accaparés par d’autres fronts, nous ne vous avons (presque) rien dit jusqu’ici de la guerre – le mot n’est pas trop fort – qui a débuté il y a plusieurs semaines déjà dans ce qu’on appelle la Corne de l’Afrique. Nous avons eu tort, car il s’agit d’une affaire énorme, partie pour durer et pour s’étendre de proche en proche à une grande partie du continent.
Son épicentre est la Somalie, mais elle implique déjà l’Éthiopie (et, par conséquent, l’Érythrée), l’Ouganda et le Kenya. L’Union africaine et l’ONU se sont laissé embringuer.

Les États-Unis, qui ont ouvert ce nouveau front de leur « guerre mondiale contre le terrorisme » d’al-Qaïda, ont adopté ici une stratégie qui a tiré les leçons des erreurs qu’ils ont commises en Irak : bien qu’installés militairement dans la région – à Djibouti – et disposant de bases proches (Qatar, Irak, Diego Garcia et autres)*, ils n’utilisent dans cette guerre que leur aviation, la CIA et quelques commandos des Forces spéciales : ils dirigent les opérations de haut et de loin, centralisent le renseignement – et paient.
Sur le terrain, l’Éthiopie et l’Ouganda (en particulier) ont accepté de faire la guerre à la place des Américains – par procuration en somme – contre des islamistes rejetés en bloc vers le terrorisme et la résistance alors que certains d’entre eux s’en tenaient à l’écart.
Ce faisant, leurs dirigeants, qui sont en général ?des autocrates, complaisent à Washington ; en retour, ils reçoivent la protection des États-Unis, de ?l’armement pour leurs troupes et quelques dollars.
Bien plus avantageux pour eux est toutefois le fait que, s’adonnant à la guerre contre un pays voisin, qui est souvent à la fois « frère et ennemi », ils incarnent le nationalisme le plus étroit et consolident ainsi leur pouvoir.

la suite après cette publicité

Ce conflit est déjà un imbroglio : on ne sait plus qui utilise l’autre, et la lutte contre le terrorisme n’est plus que le point de départ d’une aventure meurtrière dans laquelle ce sont les peuples qui trinquent.
Voilà où en est la Corne de l’Afrique, et, singulièrement, la Somalie, après trois mois d’une guerre américaine contre le terrorisme par troupes éthiopiennes (et ougandaises) interposées et qui a déjà fait plusieurs milliers de victimes africaines.

Nous consacrerons aux conflits de la Corne un document, car, dans les limites de cette chronique, je ne puis qu’attirer votre attention sur cet affrontement et sur son extrême gravité.
Je crains beaucoup que ses vilains débuts n’annoncent une très mauvaise affaire pour un continent qui n’en avait pas besoin. Cette guerre, si on ne l’arrête pas à temps, risque non seulement de détruire l’équilibre de la région, mais de paralyser, voire de « casser » l’Union africaine, qui y a son siège et, bon gré mal gré, en est devenue un des acteurs.

* L’hyperpuissance américaine possède aujourd’hui plus de 736 bases aériennes ou navales sur les cinq continents ; le Royaume-Uni, auquel elle a succédé comme puissance impériale, n’en comptait, en 1900, que 36 : autres temps, autres moyens

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires