Avec ou sans la Turquie ?

Publié le 15 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Nicolas Sarkozy affirme être « un Européen convaincu ». Mais l’Europe, selon lui, ne doit pas être « le cheval de Troie de la mondialisation et du dumping ». Elle doit, au contraire, protéger ses peuples contre l’invasion étrangère, celle de l’immigration clandestine comme celle des marchandises à bas prix S’il est élu, il promet de réhabiliter la préférence communautaire dans l’embauche et les importations, de lutter contre les délocalisations et de s’opposer à l’entrée de la Turquie. La prise d’Arcelor par le géant indien de l’acier Mittal Steel, il est contre. La politique de l’euro fort, il est contre « Cette rhétorique protectionniste est choquante », estime le commissaire européen chargé de la Concurrence, Neelie Kroes.
« À l’école, j’ai appris que la Turquie est un pays qui fait partie du continent asiatique. Il n’est donc pas européen. Si la Turquie adhère à l’Union, pourquoi le Maroc ne le ferait-il pas ? » a déclaré Sarkozy, en mars 2005, dans un discours prononcé à l’université Mohammed-V, à Rabat. Dans un autre discours, le candidat UMP brandit la menace démographique : « La Turquie à elle toute seule représente l’équivalent de l’adhésion des dix nouveaux pays d’Europe de l’Est. La Turquie, c’est 71 millions d’habitants ; à l’horizon 2050, ce sera 100 millions d’habitants, ce sera le pays qui aurait le plus de votes au sein de l’Union européenne. Et de conclure sur un ton qui frise le dédain : « Si la Turquie était européenne, ça se saurait. »
Interrogée sur la question turque, Ségolène Royal s’est dite « favorable sur le principe, mais pas maintenant, car l’Europe est en panne et, avant de l’élargir, il faut la relancer ». Et de préciser que, de toute façon, son adhésion sera soumise à référendum. L’objectif de Royal est de « construire une Europe plus protectrice et plus en phase avec les besoins de ses citoyens », de réformer les statuts de la Banque centrale européenne pour favoriser la croissance et la création d’emplois. « Je veux une Europe qui aide ses citoyens à tirer profit de la mondialisation. Il n’est pas supportable de voir des entreprises faisant des bénéfices délocaliser leurs productions. Je ne veux pas d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre-échange. Un niveau de vie amélioré, une sécurité renforcée dans la vie professionnelle, le droit à une formation de qualité tout au long de la vie, le strict respect des libertés syndicales, voilà des éléments essentiels de ce que doit être le modèle social européen. L’Europe devra aussi s’atteler au dialogue avec la Méditerranée et mettre enfin en place de vraies politiques de codéveloppement. C’est la meilleure façon d’endiguer l’immigration illégale et de lutter contre les mafias qui l’organisent. »
Quant à François Bayrou, il répond par une ellipse : « L’Europe est notre chance de rester nous-mêmes. » Une façon indirecte d’exclure la Turquie dont l’adhésion serait « un pas vers la dispersion de l’Europe ». L’Europe repose, selon lui, sur une unité géographique, historique et sociétale : « La Turquie n’est pas européenne, car un fossé nous sépare en géopolitique et en démocratie. » Il s’insurge contre l’idée qu’il faille faire entrer la Turquie pour que l’Europe ne soit pas un club exclusivement chrétien : « Elle ne l’est pas ! Quinze millions de musulmans vivent sur notre sol, et lorsque des pays européens musulmans, comme la Bosnie, voudront entrer dans l’Union, nous les soutiendrons. Ce n’est pas le christianisme qui a fait l’Europe : l’Europe est la rencontre féconde entre Athènes, Rome et Jérusalem. » Pour Bayrou, Parler d’« Europe chrétienne », c’est ne présenter qu’un bout de cette histoire. Lui propose une « perspective plus fertile : une Europe unie, libre et forte, coopérant étroitement avec une Communauté de la Méditerranée, une communauté d’obligations et d’entraide réciproques, où chacun aiderait l’autre à bâtir la paix et le développement. Communauté dont la Turquie, partenaire privilégié de l’Union, serait le premier maillon. La Turquie deviendrait un pont entre l’Orient et l’Occident, entre l’islam et nos sociétés d’héritage judéo-chrétien et de liberté de pensée ».

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