À contre-emploi ?

Publié le 15 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

« Enlevons cet homme de la pelouse, pour l’amour et le talent de nos enfants artistes ! » Ce cri de révolte lancé contre la fonction d’entraîneur par le chroniqueur brésilien Mario Prata, combien aimeraient le pousser en Afrique tant les équipes sont sous la coupe de « dieux blancs du ballon » ! Au coup d’envoi d’Égypte 2006, ils dirigent sept équipes. Du jamais vu en Coupe d’Afrique des nations ! La France fournit le plus gros contingent : Roger Lemerre (Tunisie), Claude Leroy (RD Congo), Patrice Neveu (Guinée) et le tandem Henri Michel-Gérard Gili (Côte d’Ivoire).
Des cinq, seul Henri Michel a effectué, comme joueur, une carrière internationale mémorable : 58 sélections et une participation au Mondial argentin, en 1978. Roger Lemerre a porté le maillot français à six reprises. Gili, Leroy et Neveu, jamais. Deux de ces Français possèdent un palmarès africain. Leroy a remporté la CAN 1988 avec le Cameroun après avoir disputé la finale en 1986 et Lemerre a décroché le titre avec la Tunisie en 2004. Henri Michel a d’abord dirigé les Lions indomptables du Cameroun à la Coupe du monde 1994 (un seul point en trois matchs et onze buts encaissés) puis le Maroc à la CAN 1998 (échec en quart de finale devant l’Afrique du Sud), au Mondial 1998 (une victoire, un nul et une défaite) et enfin à la CAN 2000 (élimination dès le premier tour). Il a ensuite encadré la Tunisie à la CAN 2002 au Mali : zéro victoire, zéro point et zéro but ! Le parcours de Gérard Gili avec l’Égypte fut très bref : à peine deux mois, ponctués par une élimination en quart de finale de la CAN 2000. Quant à Patrice Neveu, il en est à sa première CAN.
Ces experts ont certes des compétences. Mais ils ne sont pas en mesure, contrairement aux techniciens nationaux, de préserver la culture footballistique d’un pays et d’être en harmonie avec sa mentalité sportive. Les décideurs ignorent cette logique et veulent engager quelqu’un qui leur épargne les conflits avec les joueurs expatriés. Peu leur importe si ces professeurs ès ballons sont passés maîtres, au plan du jeu, dans l’art du calcul et de… l’épargne. Nos cinq Français, en l’occurrence, ont été nourris à la même doctrine. À quelques nuances près, ils appliquent les recettes les plus conformistes dans les domaines de la technique, de la préparation physique, de la pédagogie et surtout de la tactique.
Roger Lemerre fait dans le sérieux, et son équipe est à son image : hermétique, appliquée, efficace, certes, mais pas très spectaculaire. Henri Michel fait dans le flou artistique et se contente de gérer l’ordinaire : ne comptez pas trop sur lui pour innover ou faire preuve d’audace. Gérard Gili lui servira-t-il de canne ou de roue de secours ? Claude Leroy est, depuis son arrivée en Afrique en 1985, un velléitaire. S’il a réussi avec le Cameroun en 1988, il avait échoué avec le Sénégal en 1992 puis avec le Cameroun lors du Mondial 1998. Aujourd’hui, il a le mérite de vouloir rebâtir une sélection congolaise compétitive. Patrice Neveu, le moins médiatique de la bande, n’est pas le moins ambitieux : il veut redonner du lustre à un Syli de Guinée qui regorge de talents mais manque de consistance et de régularité.
« En Afrique, constate le recordman des buts inscrits en Coupe du monde, Just Fontaine, il y a beaucoup d’entraîneurs européens qui prônent la rigueur tactique, imposent des systèmes conservateurs ou prudents. Cela fait que le défaut des Africains, qui est leur qualité – un jeu anarchique, selon le cliché – est remplacé par une organisation fondée sur la défensive, à contre nature du tempérament africain. » Les cinq Français de la campagne d’Égypte lui donneront-ils tort ?

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