Serge Adda

Le président de TV5 est décédé à Paris le 6 novembre.

Publié le 14 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Serge Adda n’est plus. Le président de TV5 et CFI, qui se battait depuis plusieurs mois contre un cancer, s’est éteint, à Paris, dans la soirée du samedi 6 novembre. Il avait 56 ans. La nouvelle de sa disparition a provoqué une grande émotion dans les milieux de l’audiovisuel et de la Francophonie, et en Tunisie, son pays, où il comptait de très nombreux amis. Chaleureux, affable, accessible, celui que tous ses collaborateurs du
groupe Canal Plus appelaient affectueusement Serge était un personnage atypique. Un touche-à-tout de talent, successivement économiste, chercheur puis consultant avant de devenir, à partir de 1991, un professionnel de la télévision. Enfant de Montfleury, à Tunis, il a été élevé dans une famille militante communiste et anticolonialiste. Son père, Georges, était un compagnon de lutte d’Habib Bourguiba, ce qui lui vaudra de fréquents séjours dans les prisons du Protectorat.

Premier israélite à entrer au prestigieux collège bilingue Sadiki de Tunis, Serge Adda a contracté très jeune l’amour de la politique. Étudiant à Paris, diplômé en sciences économiques, il milite dans la mouvance communiste. Il fait un bout de chemin avec la gauche radicale tunisienne, rassemblée autour du groupe « Perspectives », dont les membres sont pourchassés par la police de Bourguiba. Après dix ans d’absence forcée, il
rentre en Tunisie en 1981, à la faveur de la libéralisation du régime. Il rejoint la Ligue tunisienne des droits de l’homme. Il en sera vice-président entre 1985 et 1994.
C’est une rencontre avec André Rousselet, le président-fondateur de la chaîne française cryptée Canal Plus, qui fait basculer sa vie professionnelle. Consultant à Comete Engeneering, Adda avait planché pendant un an, en 1988, sur le projet d’une chaîne de télévision à péage pour la Tunisie. Entre les deux hommes, le courant passe, et ils se lient d’amitié. Le projet de ce qui deviendra Canal Horizons, la filiale africaine de Canal Plus, prend forme, et, en 1990, Serge Adda est nommé directeur général de la chaîne en gestation. Homme de réseaux et d’influence, il mène de patientes négociations pour convaincre les chefs d’État africains réticents d’autoriser le lancement de « son bébé ». Il préside au démarrage des émissions terrestres au Sénégal (1991), en Tunisie (1992) et en Côte d’Ivoire (1994).

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L’arrivée de Canal Horizons révolutionne le paysage audiovisuel africain. En Tunisie, le succès est fulgurant, et la société atteint un pic de 70 000 abonnés au milieu des années 1990, avant d’être victime du piratage et de la concurrence des télévisions par satellite. C’est la chaîne de toute une génération, comme a pu l’être Canal Plus en France. En 1997, Serge Adda en devient le président. Comme sa grande sur hexagonale, Canal Horizons développe une programmation audacieuse, même si l’information, réalisme oblige, reste absente de sa grille. Si elle fait aussi la part belle au sport, au football
en particulier, elle n’oublie pas pour autant d’investir dans le cinéma arabe et africain, en coproduisant deux cents documentaires et longs-métrages.
En mai 2001, Serge Adda démissionne de son poste pour se déclarer candidat à la présidence de TV5/CFI. Il quitte donc Canal Horizons à la veille de sa restructuration et de la fermeture des filiales maghrébines, lourdement déficitaires. Mais il part avec le
sentiment d’avoir fait le maximum. Sans doute ne se reconnaissait-il plus tout à fait dans la nouvelle philosophie « financière » du groupe Canal, depuis la fusion avec Vivendi Universal. Appuyé par Hubert Védrine, le chef de la diplomatie française, il rebondit à la présidence de TV5. Il poursuit la modernisation de la télévision francophone internationale, qui devient « l’espace d’expression de la diversité des cultures du monde ». Elle est aujourd’hui reçue dans 150 millions de foyers, et regardée par 62 millions de téléspectateurs chaque semaine. Il est reconduit à son poste en juin 2003.
Pur produit du melting-pot méditerranéen, Serge Adda, qu’un de ses amis présentait comme « le seul vrai juif arabe musulman », était un homme de dialogue et de tolérance. Ami de Yasser Arafat et de Leïla Shahid, représentante de l’OLP à Paris et marraine de
son fils Elias, il a prénommé son aîné Karim. Tout un symbole

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