Quel avenir pour Air Mauritanie ?
Pour sauver la compagnie nationale mauritanienne, les actionnaires sont placés devant leurs responsabilités.
A Nouakchott, c’est une première : pour se rendre à l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier, le chef de l’État n’a pas voyagé avec la compagnie nationale, Air Mauritanie. C’est South African Airways qui a assuré le transport de Sidi Ould Cheikh Abdallahi entre Dakar et New York. Ce dernier n’avait d’autre choix que de faire des infidélités à son pays. Depuis le 5 septembre, les deux Boeing d’Air Mauritanie – qui constituent l’intégralité de sa flotte – sont cloués au sol, à l’aéroport d’Orly. International Lease Finance Corporation (ILFC), la société américaine qui lui loue les deux appareils, exige le paiement de 3 millions de dollars, somme correspondant au loyer des deux avions pour quatre mois. Or Air Mauritanie est dans l’incapacité d’honorer sa dette. Après avoir usé de quelques palliatifs pour continuer d’assurer ses liaisons vers Paris et Casablanca (en ayant notamment recours aux appareils de la compagnie sud-africaine Interair), elle a donc été contrainte de suspendre ses activités. Son dernier vol remonte au 3 octobre.
De l’avis de tous, Air Mauritanie subit aujourd’hui les conséquences de plusieurs années de gestion chaotique. « Au milieu des années 1980, le poste de directeur général est devenu politique. On l’offrait en cadeau à un homme d’affaires », raconte Mohamed Ould Sid’Ahmed, représentant du personnel. En clair, la compétence et la connaissance du transport aérien n’étaient pas des critères« Air Mauritanie, c’était de l’argent frais, poursuit le même interlocuteur. Les responsables qui se sont succédé ont utilisé la compagnie comme une vache à lait et n’ont jamais eu à rendre compte de leur gestion. » Ajouté à la mauvaise conjoncture (hausse du prix du carburant et durcissement des règles de sécurité essentiellement) et à la démesure des ressources humaines (400 salariés pour deux appareils), ce laxisme a creusé la dette. D’après le président du conseil d’administration, Tidiani Ben Al Houssein, elle s’élève aujourd’hui à 30 millions d’euros, pour un capital de 22 millions d’euros. Pourtant, la compagnie n’est pas confrontée à un problème de marché. En témoigne son chiffre d’affaires annuel, de 30 millions d’euros environ. « La demande existe, les liaisons intra-africaines ne sont pas suffisantes », assurait récemment un ancien cadre. Par ailleurs, la compétence de ses 28 pilotes est reconnue, et Air Mauritanie ne fait pas partie de ces compagnies interdites en Europe.
Pour l’heure, les Mauritaniens s’interrogent encore sur l’avenir de ce qu’ils considèrent comme un symbole de souveraineté, intimement lié à l’histoire nationale. « Air Mauritanie a l’âge du pays », résume le président du conseil d’administration. Difficile d’imaginer pourtant qu’un « partenaire stratégique » s’intéresse à une compagnie grevée d’une dette de 30 millions d’euros. Les actionnaires privés (des entreprises mauritaniennes), qui détiennent 51 % du capital, sont-ils prêts à mettre la main au portefeuille ? La question est posée. Quant à l’attitude de l’État, qui possède les 49 % restants, elle est ambiguë : de source proche du dossier, il ne souhaite pas se porter garant auprès des banques, comme il l’a fait début 2007, pour que la compagnie obtienne un prêt de 1 milliard d’ouguiyas (4,3 millions d’euros). Après avoir apporté, début 2007 également, 300 millions d’ouguiyas (1,3 million d’euros), il ne tient pas non plus à effectuer une autre augmentation de capital. En même temps, les autorités assurent qu’elles n’abandonneront pas la partie. Qui sera le sauveur d’Air Mauritanie ? La liquidation est aussi une option.
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