Quand la France fait pression contre les discriminations

Publié le 14 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Avec la « charte de la diversité », lancée en 2004 à l’initiative de deux cents sociétés françaises, puis la création, au printemps 2005, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), organe administratif indépendant chargé de lutter contre les discriminations, la France s’est dotée d’outils permettant de favoriser le recrutement par les entreprises de collaborateurs de toutes origines. Trois ans après son lancement, la charte a convaincu mille huit cents signataires. Mais il y a presque autant d’applications. La Halde considère que les mesures mises en uvre sont d’ampleur très variable et craint, dans son rapport 2006, qu’il s’agisse le plus souvent de « déclarations d’intention dont l’impact se limitera à une communication ». Le sociologue Jean-François Amadieu, directeur de l’Observatoire des discriminations, de l’université Paris-I (Panthéon-Sorbonne), estime pour sa part que les pressions exercées par la Halde rendent la charte plus efficace : « Ses demandes d’information auprès des sociétés provoquent une réaction et, au final, des actions concrètes. »

Certaines grandes entreprises affichent un plus grand volontarisme. C’est le cas de L’Oréal, considéré aujourd’hui comme l’un des bons élèves de la lutte contre la discrimination, de l’aveu même de Jean-François Amadieu. Le 10 octobre, le géant mondial des cosmétiques a lancé une fondation dotée de 40 millions d’euros pour financer ses projets. En juillet dernier, il avait été condamné pour des faits remontant à l’an 2000, quand un fax de sa filiale Garnier avait stipulé que les animatrices recrutées pour une opération promotionnelle devaient être « BBR » (Bleu, blanc, rouge). Pour le cabinet d’audit international Deloitte, la signature de la charte fut au contraire perçue comme un acte naturel : « Cela n’a fait qu’entériner une position que nous avions déjà », estime Guilène Bertin Perri, directrice de l’audit et coordinatrice de la diversité, rappelant que, depuis 2004, le président du conseil d’administration de Deloitte France, Amadou Raimi, est d’origine africaine. « Mais il est vrai que la charte nous a permis de mieux formaliser notre démarche », ajoute-t-elle.

la suite après cette publicité

Reste à mesurer la diversité, c’est-à-dire évaluer les effets de l’application de la charte. Le défi n’est pas mince, dans un pays où la loi interdit l’usage de certaines statistiques, comme les préférences religieuses ou la couleur de la peau. L’étape est cependant franchie par le cabinet de recrutement Michael Page, avec l’appui de SOS Racisme. Après un premier audit en 2004, l’association réalise actuellement un nouveau contrôle de la base de données et des procédures internes de la société. Cette collaboration originale entreprise-ONG a débuté après la révélation par la presse, début 2003, de l’existence de notes rédigées par des consultants, où figuraient des indications sur la race et le sexe des candidats. « Même si ces comportements étaient isolés, cette crise nous a permis de réaliser qu’il fallait prendre beaucoup plus de mesures vis-à-vis de ce problème », admet Stéphanie Lecerf, responsable juridique. Depuis, le cabinet a signé la charte, formé son personnel et participe à la promotion de l’égalité au sein de l’association « À compétence égale », qui réunit une vingtaine de cabinets et 500 professionnels du recrutement, totalisant 8 000 candidats recrutés par an.
Mais ces exemples sont encore peu nombreux. Selon Jean-François Amadieu, « la moitié des entreprises du CAC 40 font des choses intéressantes ». Parmi les exemples à suivre, il cite PSA Peugeot-Citroën, Carrefour et les principaux acteurs du secteur bancaire. Mais trop souvent les entreprises ne bougent pas, particulièrement les PME et, pis, la fonction publique. Il faut donc encore faire monter la pression.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires