L’amant virtuel

Publié le 14 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 30 septembre dernier, en plein ramadan – circonstance atténuante, il est vrai -, un Saoudien de retour chez lui rentre dans une colère monstre : sa femme avait les yeux sur un homme, plutôt pas mal, le front intelligent et le verbe facile. « Comment ? Seule avec lui ? Tu es devenue folle ? » Et sans hésiter : « Répudiée, répudiée, répudiée ! » Quand c’est trois fois, c’est définitif, comme chacun sait.
De quoi s’agit-il ? D’un adultère virtuel, en quelque sorte. Je l’ai expliqué à ma copine Françoise, comme je vous l’explique maintenant. Le jeune homme que madame reluquait, seule et sans témoin, était en train d’animer une émission sur le petit écran. « Et alors ? m’a demandé Françoise. Quel mal y a-t-il à ce qu’une femme regarde un mâle à la télé ? Il n’a pas sorti sa main de l’écran pour la palper, enfin ! » J’ai répondu : « Ma chérie, ce mari jaloux raisonne selon une croyance musulmane : chaque fois qu’un homme et une femme se retrouvent seuls, le diable est forcément leur troisième compagnon. » Mon amie a failli suffoquer : « Mais cet homme n’existe pas ! Il est à l’intérieur de l’écran ! » J’ai tenté encore : « Aux yeux du mari ultracroyant, nulle mixité n’est admise, quelles que soient les conditions. »

C’est alors que Françoise s’est fâchée : « Dis-moi, qu’est-ce qu’il faisait, lui, pendant que sa bonne femme regardait la télé, hein ? Peut-être qu’il batifolait avec une maîtresse réelle. Il n’avait qu’à rester avec son épouse au lieu de la laisser s’ennuyer. Ou lui envoyer une bande de copines, lui payer de quoi sortir s’acheter deux bricoles en or dans un centre commercial, je ne sais pas, moi ! »
Elle a continué de plus belle : « Et puis, il lui suffisait de ne pas acheter de télé à cet imbécile ! De toute façon, il ne pourra pas la surveiller partout, son esclave. Tiens, le rêve, par exemple ! Tu vois le truc : répudiée parce qu’elle a rêvé d’un autre homme que son mari. »
Pendant que ma copine postillonnait, je ne vous cache pas que je m’interrogeais sur la notion de solitude en ces temps de technologie poussée : est-on vraiment seul lorsqu’on est devant le petit écran ? C’est vrai, quoi ! Qui dit que l’homme qui me regarde là, dans les yeux, ne me voit pas ? Je me suis souvenue d’une vieille tante qui refusait de se déshabiller devant le poste de télévision : « Pas en présence du monsieur », s’offusquait-elle.

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J’ai essayé d’expliquer cela à Françoise. Elle a répondu : « C’était ta vieille tante et c’était il y a une éternité ! » La réplique m’a rappelé l’éternel bougonnement de ma fille devant mes consignes relatives aux « bonnes murs » : « Oui, mais c’était de ton époque » Et Françoise de conclure : « Je vais te dire, moi, ces Arabes orientaux, ou ils s’adaptent au progrès, ou ils laissent tomber. Ils ne vont tout de même pas continuer à vous ridiculiser devant le monde entier. »
Je ne partageais pas l’avis de Françoise, pour une raison bien simple et franchement intéressée : on n’a pas fini de s’amuser du côté du Golfe et ça me fait de la matière pour mes « Post-scriptum ». Je crois même que je vais finir par remercier mes amis wahhabites pour la manne qu’ils dispensent à la pauvre femme que je suis. Allah, ils ne savent pas ce qu’ils font !

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