L’agriculture… et après ?

Grâce à sa réputation de bon élève, le pays jouit du soutien des bailleurs de fonds. Reste encore à dynamiser le secteur privé.

Publié le 14 octobre 2007 Lecture : 4 minutes.

« Bon élève, efforts à poursuivre. » À l’école du développement économique africain, tel pourrait être le commentaire inscrit sur le bulletin du Burkina, vingt ans après sa reprise en main par Blaise Compaoré. Aujourd’hui classé par la Banque mondiale dans la catégorie des « pays à croissance soutenue », celui-ci connaît, depuis le début des années 2000, une accélération de la croissance de son PIB : de 3,9 % en moyenne annuelle entre 1980 et 1989, elle est passée à 4,1 % durant la décennie 1990, 5,2 % entre 2000 et 2004 et pourrait atteindre 6,6 % pour la période 2005-2007.
L’agriculture et les services en matière d’hôtellerie, de transports et de vente de biens d’équipement ont notamment contribué à cet enrichissement. À en croire Salif Diallo, le ministre de l’Agriculture, d’importants progrès ont ainsi été réalisés ces cinq dernières années dans son domaine d’activité. Si les performances les plus probantes sont à mettre à l’actif de la filière coton (lire encadré p. 59), les autres productions agricoles ne sont pas en reste. « La récolte céréalière est passée de 3,1 millions de tonnes en 2002-2003 à 3,8 millions en 2006-2007. Le maïs a connu la progression la plus spectaculaire. Sa production a augmenté de 38 % en cinq ans. Et depuis, le pays n’a plus connu de déficit céréalier », avance Salif Diallo. Avant de poursuivre : « Nous parvenons même à exporter des céréales au Ghana, au Niger et au Togo. » Une situation inimaginable au Burkina il y a seulement six ans
Le tertiaire a, lui, profité de la volonté des autorités de donner au pays une stature internationale. Soucieuses de son désenclavement, elles se sont d’abord lancées dans un vaste programme de développement des infrastructures routières (lire encadré p.60), avant de s’engager dans une politique résolument tournée vers le tourisme de congrès, à travers l’organisation, à Ouagadougou, de manifestations d’envergure continentale (sommet Afrique-France en 1996, Coupe d’Afrique des nations et sommet de l’Organisation de l’Unité africaine en 1998, sommet de la Francophonie en 2004, Fespaco et SIAO tous les deux ans, etc.).

À l’origine de ces bonnes performances : la restructuration complète de l’économie burkinabè, lancée en 1990. À l’occasion de grandes assises nationales organisées en mai de cette année-là, le pouvoir engage le pays sur la voix du libéralisme. Exit l’économie dirigée mise en place sous la Révolution : après avoir accepté le plan d’ajustement structurel (PAS) proposé par le FMI en mars 1991, place aux réformes et à la dérégulation. Libération du commerce, restructuration du secteur bancaire, réorganisation des institutions d’appui au secteur privé, développement des infrastructures : « Le pouvoir s’attache à assainir les finances pour attirer les bailleurs de fonds et à créer un contexte favorable au développement des affaires », explique Lassiné Diawara, vice-président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina. « Résultat : le nombre de banques est passé de quatre seulement en 1990 à onze aujourd’hui, les compagnies d’assurances se sont multipliées, les opérateurs du secteur du BTP ont triplé. Mieux : alors que 10 000 personnes physiques et morales seulement étaient recensées sur le registre du commerce en 2000, elles sont 40 000 aujourd’hui ! » s’enthousiasme Diawara. À partir de 1994, la privatisation des entreprises publiques et la libéralisation des grandes filières (transports, télécoms, agroalimentaire, etc.) est également amorcée. Une trentaine d’entreprises publiques doivent ouvrir leur capital. Huit à ce jour sont toujours entre les mains de l’État. Mais comme elles opèrent dans des domaines jugés stratégiques (eau, hydrocarbures, électricité), les autorités préfèrent prendre leur temps
Côté agriculture, le gouvernement fonde sa politique sur la mobilisation des capacités hydriques du pays pour développer la culture irriguée, ?l’alimentation en eau potable des populations et l’électrification. Deux grands barrages voient le jour, après l’inauguration de celui de la Kompienga, en 1988 : ceux de Baagré en 1992 et de Ziga en 2004. Localement, quelque 1 600 retenues d’eau de plus petit volume sont également mises en service, ainsi que 45 000 forages villageois, si bien que le taux de couverture de la population en ressource en eau atteint aujourd’hui 62 %, selon le ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques.
Reste, toutefois, que si ce bilan est plutôt flatteur, la plupart des observateurs jugent l’économie burkinabè fragile. Adossée à l’exportation cotonnière, qui représente 60 % de ses rentrées de devises, elle n’est ni assez rentable, ni assez diversifiée et repose sur une production insuffisamment valorisée. Le problème se pose aujourd’hui avec d’autant plus d’acuité que la filière coton connaît de graves difficultés : fluctuation des cours mondiaux, endettement des compagnies d’égrenage et de commercialisation, hausse du coût des intrants, concurrence déloyale des productions subventionnées des pays riches, etc. Conséquence : l’activité économique du pays repose davantage sur la générosité des bailleurs que sur le dynamisme de ses entreprises.

la suite après cette publicité

Certes, des initiatives voient le jour afin de sortir le pays de cette ornière. Une politique agricole fondée sur le développement de huit filières spécifiques (sésame, tubercules, oléagineux, riz, fruits et légumes, etc.) et sur la production de cultures de contre-saison se met en place pour étendre la palette des produits que propose le pays à l’exportation, mais elle n’en est encore qu’à ses balbutiements. La relance de l’exploitation industrielle des mines d’or a également été engagée. Le Burkina espère extraire 10 tonnes par an du précieux métal en 2010.
Dans la même veine, le gouvernement compte aussi sur la mise en service d’un quatrième barrage sur le Samandéni, dans la région de Bobo-Dioulasso, pour dynamiser un secteur industriel particulièrement atone, grâce à la production d’hydroélectricité. Mais dans ce domaine, les perspectives de croissance immédiates sont limitées : dépourvues d’hydrocarbures, éloignées et dépendantes des ports de la sous-région, les entreprises de transformation burkinabè restent condamnées à importer la plupart de leurs ressources énergétiques à un prix élevé. La mise en place d’un vrai réseau industriel dans le pays demeure un vu pieux. En tout cas pour l’instant.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires