Au vrai chic islamique

Le prêt-à-porter religieusement correct est en plein boom. Austère ? Pas vraiment !

Publié le 14 octobre 2007 Lecture : 3 minutes.

Depuis quelques années, le marché de la mode musulmane explose. Jupes strictes arrivant au-dessous du genou, tee-shirts amples, foulards et tuniques multicolores À des années-lumière de la lugubre abaya noire, il est aujourd’hui parfaitement possible de manifester la coquetterie la plus débridée sans contrevenir aux canons de la vertu islamique. « Je veux porter le voile, tout en étant belle », susurre Nimet, une étudiante turque. Elle n’a, pour cela, que l’embarras du choix. Dans son quartier de Taksim, à Istanbul, au moins trois boutiques de mode islamique côtoient les enseignes de Prada, Gucci ou Yves Saint Laurent. « Ma préférée, c’est Tekbir, on y trouve tout et c’est toujours très branché ! »

Ce temple du fashion islamique appartient à un homme d’affaires turc, Mustafa Karaduman, qui, parti de rien – il était repasseur dans un atelier de confection -, est aujourd’hui à la tête d’un empire. Son usine, dans laquelle travaillent huit stylistes et plus de huit cents ouvriers, alimente sa chaîne de magasins Tekbir, implantée un peu partout en Turquie, mais aussi en Europe et, singulièrement, en Allemagne, où vit une importante communauté turque immigrée. Chaque saison, Karaduman lance une nouvelle couleur pour ses foulards. Après le bleu turquoise, le vert sera, paraît-il, très à la mode cet hiver.
Son succès, Karaduman le doit à son flair, mais aussi, et surtout, à une politique commerciale très agressive. Les prix de ses modèles défient en effet toute concurrence : 6 euros pour une chemise, 32 euros pour une veste et moins de 120 euros pour une tenue de soirée made in islam. Résultat : des boutiques prises d’assaut en permanence et un chiffre d’affaires dont le montant est jalousement tenu secret, mais qui doit enfiler les millions d’euros comme des perles.
Bien sûr, son aventure a fait des émules. Sur Witte de Withstraat, une artère branchée de Rotterdam, aux Pays-Bas, de curieux mannequins se pavanent hiératiquement en vitrine de la galerie Mama, le spécialiste local de la « culture jeune ». Ils portent tous les accessoires de l’adolescente type (baskets flashy, tee-shirts fluo, grosses ceintures, etc.), en même temps que des foulards islamiques du plus bel effet. Les industriels l’ont compris : le marché de la mode musulmane est en pleine expansion.

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Les responsables de la galerie Mama ont même créé un magazine spécialisé, Glossy (qu’on pourrait traduire par « papier glacé »), où les femmes voilées sont légion. Réalisé par cinq étudiantes issues de l’immigration, le journal s’arrache littéralement. Sa ligne éditoriale est simple : beaucoup d’images, très peu de textes, quelques reportages sur les filles de Téhéran ou celles d’Osdorp, un quartier d’Amsterdam Dans les pages centrales de Glossy, beautés blondes ou brunes arborent volontiers foulards et lunettes noires. « L’objectif est de montrer qu’on peut être belle, émancipée et musulmane », explique Bushra Sayed, l’une des conceptrices du magazine.
En France aussi, la mode musulmane se développe et s’exhibe. Même s’il faut parfois pour cela recourir à la justice. En octobre 2004, un défilé exclusivement réservé aux femmes organisé par Jasmeen, une société spécialisée dans la mode « communautaire » et, plus particulièrement, la confection de tenues musulmanes, a été interdit à la suite d’une plainte déposée par l’Union des familles laïques (Ufal). Motif : la manifestation visait à « démontrer la pertinence d’effets vestimentaires du type hijab ou burka en banalisant le port du voile ». Il a fallu attendre près d’un an et demi pour que la justice finisse par donner raison à Jasmeen et autorise le défilé

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