Un scandale herbivore

Publié le 14 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Les compagnies d’assurance rivalisent d’ingéniosité pour attirer de nouveaux clients. Elles développent sans cesse ce qu’elles appellent des « produits » inédits, censés créer des niches jusque-là inconnues ; des niches où des cabots un peu naïfs – les clients – se précipiteront en jappant de joie. Tout cela est de bonne guerre.
L’innovation qui fait fureur en ce moment aux Pays-Bas, c’est une police d’assurance réservée aux végétariens. L’idée, c’est que ces derniers mènent une vie plus saine et qu’ils vivent donc plus longtemps. Ils évitent toutes sortes de maladies plus ou moins graves qui n’affectent, paraît-il, que les mangeurs de viande. Ergo, les végétariens peuvent souscrire des polices d’assurance moins coûteuses que les carnivores.
Entre nous, je ne comprends pas très bien comment on peut vérifier si quelqu’un est végétarien. Sont-ce le teint terreux ou la peau diaphane qui font office de preuve ? Ce serait étonnant Rien ne vous empêche de dévorer un mouton entier, comme Obélix le ferait avec un sanglier, puis de vous présenter, la bouche en fleur, aux guichets du courtier en jurant que vous ne mangez que du cresson, des lentilles et du zaâlouk. Mais il faut croire que les compagnies d’assurance, qui ne sont pas nées du dernier ouragan, ont les moyens de débusquer les escrocs. Un teint trop fleuri, ô paradoxe, dénoncerait le « viandophage ».
En tout cas, cette histoire d’assurance à prix réduit pour les brouteurs d’herbe a profondément choqué une partie de la population des Pays-Bas : les Marocains. Ceux-ci ne conçoivent pas qu’on puisse être récompensé parce qu’on vit de salade, comme un lapin. Les plus énervés d’entre eux, ou les plus paranoïaques, affirment qu’il s’agit d’une discrimination déguisée. En privilégiant les herbivores, les assureurs excluent de façon tout à fait consciente les Marocains. Du coup, ceux-ci ont protesté en disant qu’il s’agissait de leur culture. Si vous invitez un enfant du Maghreb chez vous et que vous lui servez des carottes cuites à l’eau, une touffe de gazon et un radis pour dessert, c’est un outrage, c’est un affront ! C’est la brouille assurée jusqu’à la dixième génération. Le Marocain, comme le lion de l’Atlas ou le tigre du Bengale, ne peut pas être végétarien. Cette histoire d’assurance n’est donc qu’une façon déguisée d’exclure les ressortissants du royaume chérifien. Et les plus excités de brandir la menace d’un recours au Conseil d’État.
On en est là. Je vous tiendrai au courant. En attendant, je m’en vais dévorer une pastilla aux pigeonneaux et un tagine d’agneau

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires