L’ivoirité n’a pas triomphé

Publié le 14 septembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Les Burkinabè sont revenus en Côte d’Ivoire, mais avec un mot d’ordre : « profil bas ». « On ne se comporte plus comme avant, on n’élève pas la voix, on calme le jeu à la moindre friction », explique Étienne Compaoré, vice-consul burkinabè. Chassée avec violence en 2002, la plus importante des communautés étrangères de Côte d’Ivoire n’a pas tardé à revenir. Une toute petite minorité des quelque 365 000 personnes évacuées par bus à l’époque est restée au Burkina. Et, selon le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE), ils seraient pas moins de 3,5 millions en Côte d’Ivoire, soit au moins autant qu’avant la crise. « La Côte d’Ivoire reste pour nous une terre d’accueil », commente Michel Ouédraogo, secrétaire permanent de l’organisation.
La première grande vague migratoire remonte à l’ère coloniale. L’administration française a organisé le déplacement de milliers de travailleurs vers les forêts ivoiriennes pour défricher, construire et aménager. À la tête d’un pays prospère et peu peuplé, le président Houphouët-Boigny a ensuite laissé les portes ouvertes. La loi en matière de propriété foncière se limitait à un principe édicté par « le Vieux » : « la terre appartient à celui qui la met en valeur ». Il semait ainsi sans le vouloir les graines de la discorde.
L’ouest de la Côte d’Ivoire, devenu la grande zone cacaoyère, était exploité essentiellement par des planteurs baoulés et burkinabè. La crise économique et la pression démographique aidant, les revendications des autochtones se sont multipliées et les accrochages ont commencé. La politique, avec le développement du concept d’ivoirité, et la polémique autour de la nationalité d’origine de l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara ont ajouté de l’eau au moulin de la xénophobie montante. Avant même le coup d’État de 1999, des planteurs burkinabè, des pêcheurs maliens et ghanéens avaient subi des violences. La coupure du pays en deux à partir de septembre 2002 a marqué un tournant. Les Burkinabè, assimilés aux rebelles du Nord, ont été des cibles. La confiance et le respect qui avaient généralement prévalu étaient brisés. La médiation réussie de Blaise Compaoré et la signature de l’accord de Ouagadougou en mars 2007 ont nettement changé la donne. Les Burkinabè sont redevenus fréquentables tandis que les autorités ivoiriennes ont facilité la réintégration de ces populations. Symbole de ce retour à la normale, la fermeture, le 31 juillet dernier, du dernier camp de déplacés, à Guiglo, qui accueillait en moyenne 7 000 à 8 000 personnes.
Cela ne se fait pas sans anicroches. Beaucoup des terres avaient été réattribuées à de jeunes autochtones. « On négocie maintenant au cas par cas, on trouve des arrangements », assure Étienne Compaoré. Le plus souvent, l’ancien exploitant burkinabè devient locataire de « sa » terre et paie un loyer annuel fixé par l’administration. « La question foncière reste une bombe à retardement », assure Christian Bouquet, universitaire, spécialiste de la Côte d’Ivoire. Jacques Seurt, de l’Office des migrations internationales (OMI), est également inquiet. « La crise alimentaire va accentuer le mouvement migratoire des Sahéliens vers la côte et la pression sera forte dans les années à venir », estime-t-il.

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