Une aide pour le moins intéressée

Pékin mène une vaste offensive diplomatique et commerciale sur le continent. Où se trouvent les matières premières indispensables à sa croissance.

Publié le 14 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Les Chinois envahissent l’Afrique… L’image, quoiqu’elle soit exagérée et de nature à raviver la peur du « péril jaune », n’en trouve pas moins une certaine réalité sur le terrain. D’Alger à Johannesburg et de Dakar à Addis-Abeba, toutes les grandes métropoles africaines comptent désormais leurs quartiers chinois qui ne cessent de grossir sous le flot ininterrompu des immigrés en provenance du pays de Mao. Une fois installés, ces derniers font venir à leur tour d’autres compatriotes qui ouvrent des commerces et fournissent un marché local séduit par les faibles prix pratiqués. Et s’approvisionnent régulièrement auprès des entreprises et industries de leur pays d’origine, le « grand atelier du monde ».
Ces implantations commencent toutefois à faire grincer les dents des syndicats, des représentants patronaux et des opérateurs économiques locaux. Mais leurs gouvernements peuvent difficilement se mettre à dos un allié de poids, capable d’intervenir en toutes circonstances. La Chine s’est fait une spécialité d’accueillir à bras ouverts les présidents mis au ban des nations par la communauté internationale ou les dirigeants des États au bord de la banqueroute. Dernier exemple en date : le Zimbabwéen Robert Mugabe. Il a été reçu en Chine par son homologue Hu Jintao du 23 au 29 juillet et qui a obtenu un important soutien politique et financier. Pékin a également aidé financièrement la Côte d’Ivoire en début d’année et la Centrafrique un an auparavant.
C’est à partir de 1995 que le régime communiste, aujourd’hui rompu au libéralisme à tous crins, a redéfini les objectifs de son aide à destination de l’Afrique pour servir ses intérêts économiques. Il a mis en place un dispositif de coopération aux multiples facettes. Outre des dons financiers sans contrepartie, le gouvernement accorde des prêts préférentiels aux États par l’intermédiaire de ses banques nationales. Il favorise également les projets d’entreprises en cogestion ou à capitaux mixtes en facilitant l’accès au crédit et la formation des cadres locaux.
La nouvelle politique chinoise, qui est tout sauf désintéressée, répond à une triple stratégie, axée sur les matières premières, le commerce et la diplomatie. En contrepartie de son aide, la Chine négocie l’exploitation des produits de base nécessaires au fonctionnement de ses industries. Pékin a notamment besoin du pétrole africain, les majors occidentales ayant la mainmise sur les ressources du Moyen-Orient. À ce titre, l’empire du Milieu mène une politique active en Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Soudan) et dans le golfe de Guinée (Angola, Gabon, Congo) pour gagner des parts de marché. Mais il convoite aussi les importantes réserves de minerais et de bois d’Afrique centrale et les réserves halieutiques du golfe de Guinée.
Parallèlement à l’achat des matières premières pour la transformation, Pékin cherche des débouchés pour ses produits finis et ses services. En 2000, la Chine s’est dotée d’un instrument de promotion commerciale en organisant à Pékin le premier Forum de coopération Chine-Afrique, un événement reconduit en 2003 à Addis-Abeba, en Éthiopie. Elle a également pris différentes mesures d’ordre commercial et fiscal, comme la suppression de la double taxation des produits, l’harmonisation des politiques commerciales, la multiplication des accords de protection des investissements et l’encouragement à la création de joint-ventures… Un dispositif qui fait ses preuves. Aujourd’hui, les Chinois sont devenus incontournables dans le secteur des travaux publics, notamment pour ce qui concerne les infrastructures lourdes : routes, stades, ponts, barrages, logements sociaux, hôtels, bâtiments publics… Ils fournissent également les produits de première nécessité, les biens de grande consommation, l’électroménager, les équipements industriels…
Les échanges sino-africains sont passés de 10 milliards de dollars en 2000 à 28,5 milliards en 2004. Ils n’étaient que de 760 millions en 1978, date du début de la réforme de la politique chinoise et de l’ouverture économique sous Deng Xiaoping. L’Afrique du Sud est le premier partenaire de la Chine. Le volume d’affaires entre les deux pays est légèrement inférieur à 4 milliards de dollars.
Il ne faudrait toutefois pas circonscrire la politique africaine de la Chine à de simples intérêts économiques. La fin de la guerre froide a, en effet, amené le régime de Pékin à redéfinir sa politique étrangère pour contrer le monde unipolaire voulu par les États-Unis et pour faire entendre ses positions sur plusieurs points qui l’opposent à l’Occident, comme les droits de l’homme ou la question de Taiwan.

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