Quatre patrons en première ligne

Si le commerce et les transports demeurent des activités phares, voici trois hommes et une femme dont les parcours et les projets témoignent que les chances de réussir ne manquent pas.

Publié le 14 août 2005 Lecture : 6 minutes.

Simone Zoundi,directrice de Sodepal

A64 ans, Simone Zoundi est l’un des rares entrepreneurs burkinabè à être présent dans le secteur agroalimentaire. Et dont la résistance au géant suisse Nestlé, principal concurrent des produits fabriqués par sa société, Sodepal, n’est pas le moindre des mérites. Diplômée de l’École supérieure de commerce de Toulouse, elle se lance dans la boulangerie au début des années 1970 et crée une petite unité industrielle de biscuits et bonbons. La révolution passant par là, la jeune femme doit changer son fusil d’épaule. Elle mettra à profit cette période pour développer des compétences de conseil aux entreprises qu’elle exerce encore aujourd’hui. Quelques années plus tard, elle reprend son activité industrielle et fonde, en 1992, la société Sodepal en partenariat avec la firme française Nutriset. « Dans un pays à vocation agricole comme le nôtre et dans une région où la malnutrition reste un fléau, l’industrie agroalimentaire m’a tout de suite intéressée », explique-t-elle. L’entreprise compte aujourd’hui 40 employés et réalise un chiffre d’affaires compris entre 125 et 250 millions de F CFA par an. Au coeur de sa production, les farines infantiles enrichies en vitamines. Elles sont distribuées dans toutes les pharmacies et les centres nutritionnels du Burkina et confectionnées à base de céréales locales – maïs, riz, mil… – auxquelles on ajoute un cocktail vitaminé élaboré dans les laboratoires de Nutriset. Depuis quelques mois, Sodepal exporte désormais au Niger pour répondre à la situation de famine qui s’y est développée.

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Salif Ouédraogo, PDG du groupe Kossouka

Kossouka est le nom de son village natal. Fils de commerçant, autodidacte, Salif Ouédraogo dirige, à 33 ans, un groupe de cinq sociétés et de plus de cinq cents employés. Au coeur de ce petit empire : des activités de commerce général – importation de produits alimentaires et électriques – et de transport. Salif Ouédraogo débute avec le fret pour le compte de la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (Sonabhy) avant de se lancer dans le transport en commun. L’idée lui en vient lors d’un séjour à Lomé. Il manque son vol pour Ouaga et se trouve contraint d’effectuer le trajet par la route. Il réalise alors que la liaison est très mal desservie et décide de créer SKV, une ligne d’autocars haut de gamme (avec climatisation et vidéo) qui dessert nombre de capitales de la sous-région. Peu à peu, le groupe se diversifie et noue des contrats de représentation avec les fournisseurs de matériel électrique, indien Apar et français Afelec, puis avec la multinationale suisse Nestlé, dont Kossouka est depuis 2002 le représentant officiel au Burkina Faso.
Fort d’un chiffre d’affaires de plus de 20 milliards de F CFA par an, le groupe Kossouka envisage désormais d’investir dans l’industrie de transformation locale. Un gros projet est à l’étude et pourrait voir le jour dans les mois à venir. Enfin, Salif Ouédraogo étudie la conclusion de nouveaux contrats de représentation, notamment avec les firmes Areva et Beltransfo.

Mahamadi Sawadogo, dit « Kadhafi »

AOuaga, tout le monde connaît « Kadhafi ». Pas le « Guide »… l’autre ! Mais rares sont ceux qui peuvent décliner son vrai nom : Mahamadi Sawadogo. L’homme est à la tête du groupe Smaf International, l’un des plus importants du pays. Dans son portefeuille : la société Smaf import-export, spécialisée dans les produits de grande consommation (riz, sucre, farine…), et les résidences Aziz, une entreprise immobilière propriétaire du plus grand centre commercial du pays (5 000 m2 à Bobo-Dioulasso) et qui, dans la capitale, propose des locations de boutiques, bureaux, appartements, villas et même « appart-hôtels ». Smaf regroupe également la compagnie Sodirem, distributeur agréé de nombreuses marques étrangères (Honda, Daewoo, Ssang-Yong, JVC…) et la Société de transports rapides, dont le parc d’une centaine de véhicules est destiné au transport de marchandises et d’hydrocarbures. Autre fleuron du groupe : la société Petrofa qui, en 2004, s’est agrandie en rachetant les actifs de la compagnie ExxonMobil au Burkina. Avec plus d’une trentaine de stations-service dernier cri (toutes dotées d’un fast-food, d’un supermarché et d’un cybercafé) à travers le pays, Petrofa figure également parmi les trois sociétés agréées pour faire du transport d’hydrocarbures pour le compte de la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (Sonabhy). Enfin, le groupe s’investit également dans le secteur de l’assurance et de la finance, puisqu’il est actionnaire dans plusieurs banques privées de la place. Au total, Smaf représente un chiffre d’affaires de « 20 à 30 milliards de F CFA », selon Sawadogo.
Lequel baigne dans les affaires depuis son plus jeune âge. Son père était commerçant à Ouahigouya, ville sahélienne du nord du pays. Adolescent, il poursuit ses études secondaires dans la capitale, entre à l’école franco-arabe et bénéficie d’une bourse pour continuer sa formation en Libye, d’où ce fameux surnom qui ne le quitte plus. Il passe quatre ans à Tripoli, obtient son bac et entreprend des études supérieures de commerce. Il n’aura pas le temps de les terminer : son père le rappelle au pays pour qu’il s’occupe des affaires familiales. Il s’installe alors à Ouagadougou et débute dans le commerce général avec les pays de la sous-région, pour bientôt s’orienter vers de nouveaux marchés : Hong-Kong et Singapour. Il importe des produits destinés à la consommation courante : lampes-torches, vêtements et « chinoiseries » en tout genre. Il signe également des accords avec Peugeot et MBK et se lance dans le commerce de pièces de rechange. Au début des années 1990, il s’engage avec l’Inde pour importer des bicyclettes. Peu à peu, le groupe grandit, s’enrichissant des différentes sociétés qui le composent désormais.
Quant aux bruits qui courent sur ses liens avec le couple présidentiel, en particulier Madame, Mahamadi Sawadogo ne s’en embarrasse guère : « Mon activité m’oblige à les rencontrer. Par ailleurs, il existe des liens de parenté entre ma femme et la première dame. Le ministre de l’Agriculture Salif Diallo est également un cousin. Nous sommes tous deux originaires de Ouahigouya et nous nous connaissons comme des frères. C’est tout. Mais cela suffit à faire gamberger les gens. Dès lors que quelqu’un réussit, il faut en trouver la cause. Et on a tendance à la chercher ailleurs que dans les compétences professionnelles de la personne. »
Sur ses projets d’avenir, « Kadhafi » ne s’épanche guère. L’industrie de transformation locale ? « Dans un pays enclavé comme le Burkina Faso, les coûts de production sont très élevés. Et dans le contexte de libéralisation et de mondialisation actuel, cela pose des problèmes. L’industrialisation n’est pas la seule voie de développement. Un pays comme Singapour ne compte pas beaucoup d’industries. Le Burkina peut jouer sur sa situation géographique, accroître son offre de services, de transport, et développer le commerce en général. Cela étant, je n’exclus pas la possibilité d’investir dans l’industrie locale. J’ai certains projets à l’étude. »

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Ibrahim Cissé, directeur général du cabinet IBC Consulting
Derrière son visage avenant et ses airs décontractés, Ibrahim Cissé cache un curriculum vitae en béton et une volonté de fer. Après avoir passé plusieurs années en France, dont sept chez Accenture (ex-Arthur Andersen Consulting), il décide de rentrer au Burkina pour y créer sa propre société de conseil. IBC Consulting voit le jour en novembre 2003 et démarre ses activités l’année suivante. Aujourd’hui, le cabinet compte une dizaine d’employés et déjà quelques gros clients, dont l’Office national des télécommunications (Onatel), le groupe Ecobank, les assurances AGF et l’opérateur de téléphonie mobile Celtel. Il dispense son expertise en matière de conseil en management et développement des ressources humaines. L’activité se développe rapidement, car, au Burkina, l’offre en la matière est réduite. « Elle se limite essentiellement au recrutement, à la formation et à l’audit. Et ce sont souvent des cabinets d’avocats ou d’expertise comptable qui réalisent ces missions. » D’autre part, « le climat des affaires est très propice, souligne le jeune entrepreneur. Il y a une dynamique de concurrence et de création d’entreprises qui encourage les entreprises à améliorer leur performance et leur efficacité. Donc à faire appel à nous. » Audacieux, Ibrahim Cissé a également lancé le premier salon professionnel de recrutement et d’information sur les formations et les métiers du Burkina qui s’est tenu à Ouagadougou du 23 au 25 juin dernier. Intitulé « Fortandem », il est fondé sur le modèle d’Afrique Talents, organisé à Paris par le cabinet Afric Search. Compte tenu du succès de la première édition, l’événement devrait devenir un rendez-vous annuel.

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