Le succès ou le retrait

Publié le 14 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Depuis les élections législatives du 30 janvier dernier, la situation en Irak reste des plus délicates. Quoi qu’en disent les responsables américains, les spécialistes du renseignement ne voient aucun signe d’affaiblissement de l’insurrection. Seule la stratégie des rebelles a changé. Elle se concentre de plus en plus sur les Irakiens, qu’ils soient responsables politiques, militaires, policiers ou gardes de sécurité. Aux attentats-suicides visant les chiites, les Kurdes et les sunnites soutenant le gouvernement s’ajoutent les enlèvements et les assassinats d’Américains, de Britanniques et de toute autre cible susceptible de faire basculer le pays dans la guerre civile et d’entraver le processus démocratique. Lequel est, d’ailleurs, très incertain. Nul ne peut dire si la Constitution sera adoptée dans les temps et si elle bénéficiera d’un soutien suffisant dans le pays. La mise en place d’un nouveau gouvernement et l’organisation des prochaines élections restent tout aussi floues. Les tensions interreligieuses se multiplient entre sunnites et chiites, pendant que les Kurdes réclament plus de fédéralisme et le contrôle d’une partie de la manne pétrolière.

Les perspectives économiques ne s’annoncent guère plus réjouissantes. Malgré tous les efforts consentis par les États-Unis, l’aide a, jusqu’à présent, largement échoué à atteindre ses objectifs. À l’exception des différents business qui se développent habituellement en temps de guerre, la plupart des secteurs sont en déclin, et le chômage atteint un niveau critique.
Reste qu’un retrait américain ne serait pas justifié pour l’instant. Sur le plan militaire, les insurgés ne semblent pas recruter de nouveaux volontaires. Ils ne remportent aucune bataille. Le nombre de soldats irakiens prêts au combat est passé de 96 000 en 2004 à plus de 173 000 cette année, et il devrait rapidement atteindre le chiffre de 270 000. Alors qu’il n’y avait qu’un seul bataillon opérationnel en juillet 2004, on en compte une centaine aujourd’hui. Plus de 40 % d’entre eux peuvent participer à l’effort sécuritaire ; beaucoup sont capables d’assurer seuls des missions complexes.

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Tel est le contexte que tous les reportages de guerre qui parlent du retrait américain ignorent le plus souvent. Bien sûr, personne ne peut garantir que la « dynamique du succès » imaginée par Washington fonctionnera, mais l’administration Bush et le haut commandement militaire persistent à croire que la présence de leurs troupes en Irak s’avérera bien plus efficace que n’importe quelle « logique de retrait ». Les responsables politiques et l’état-major vous le diront sans ambages : ils n’ont nullement l’intention de procéder au retrait des boys avant que la situation politique se soit stabilisée et que l’armée irakienne puisse assurer la plupart des missions effectuées aujourd’hui par la coalition.
En outre, lorsque les États-Unis évoquent le rappel de leurs troupes, ils ne l’envisagent que sous la forme d’une réduction très progressive des effectifs mobilisés. L’administration Bush souhaiterait voir passer le nombre de ses soldats de 130 000 aujourd’hui à moins de 100 000 d’ici à l’été 2006. Elle aimerait également voir modifier la composition de la coalition en négociant avec les Irakiens un accroissement de leurs effectifs avant la fin de l’année prochaine. Tout cela démontre que les Américains ne prendront pas leur décision à partir d’un calendrier prédéterminé, mais qu’ils se fonderont sur l’évolution de la situation sur le terrain. Cela signifie aussi qu’ils laisseront d’importantes unités en place aussi longtemps que nécessaire, et qu’ils maintiendront leur aide économique et militaire pendant encore cinq à dix ans. Les hauts responsables de l’administration ne savent que trop combien un retrait, synonyme de fuite ou de défaite, pèserait lourd dans le bilan de George W. Bush, et compromettrait le résultat des élections de mi-mandat, en novembre 2006.
© The Financial Times et J.A./l’intelligent 2005. Tous droits réservés.

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