« Le secteur non agricole est la nouvelle locomotive de notre économie »

Publié le 14 août 2005 Lecture : 4 minutes.

J.A./L’INTELLIGENT : Vous misiez sur une croissance de 3 % en 2005. Elle n’atteindra pas 2 %…
FATHALLAH OUALALOU : Effectivement, la croissance sera comprise entre 1,6 et 2 %…
Le Haut-Commissariat au plan parle de 1,2 %…
Il y a les prévisions, les réalisations et un chiffre intermédiaire de référence sur lequel nous nous appuyons pour construire la loi de finances. On constate souvent de légers décalages dans les chiffres, et les médias s’en servent pour créer la confusion et alimenter la polémique.
Voilà cinq ou six ans, les années de mauvaise récolte, nous enregistrions des croissances négatives. Ce n’est plus le cas. Le taux moyen de croissance sur la période 2001-2004 est de 4,6 % contre 1,6 % pour 1997-2000. Aujourd’hui, le secteur non agricole est la nouvelle locomotive de notre économie. Les mines, le bâtiment, la pêche et les activités industrielles permettent de compenser en partie la baisse de la production agricole. La facture pétrolière a néanmoins augmenté de plus de 50 % par rapport à l’année dernière tout simplement parce que le prix du baril tourne autour de 60 dollars. Heureusement, nous avons amélioré les rentrées fiscales et les recettes de privatisation. Nous avons également cédé 16 % de Maroc Telecom. Dernier élément qui pèse sur notre budget : le programme de départ anticipé des agents publics qui va nous coûter 6 milliards cette année. Mais il s’agit d’un investissement à moyen terme puisque, d’ici à deux ans, l’État devrait économiser le salaire de 30 000 fonctionnaires.

J.A.I. : L’opposition prétend qu’il était irréaliste de miser sur un baril à 35 dollars.
F.O. : Les gouvernements du monde entier ont tablé sur ce prix en se fondant sur les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

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J.A.I. : Avez-vous rectifié le tir dans la loi de finances 2006 ?
F.O. : Nous avons élaboré notre budget en nous basant sur un cours moyen du baril de 50 dollars et un taux de change euro-dollar de 1,20.

J.A.I. : La dette publique va progresser en 2005. Certains prétendent que le Maroc pourrait être contraint à un nouveau Plan d’ajustement structurel (PAS)…
F.O. : Nous maîtrisons totalement la situation. Nous avons un déficit budgétaire qui oscille entre 3 % et 3,5 % depuis huit ans, une inflation qui tourne entre 1,2 % et 1,5 % et un solde des paiements extérieurs courants qui était structurellement négatif jusqu’en 1997 et qui ne l’est plus. Les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) et les revenus du tourisme sont en augmentation et rapportent chacun plus de 4 milliards de dollars. Pour les cinq premiers mois de l’année, les recettes touristiques ont progressé de 11,6 % et les transferts de 5 %. Cela nous garantit un cadre macroéconomique stable.

J.A.I. : Sur quelle croissance tablez-vous l’année prochaine ?
F.O. : Le taux pourrait être de 5,4 % sur la base d’une récolte moyenne grâce à la progression des secteurs non agricoles.

J.A.I. : Et combien rapporteront les privatisations en 2006 ?
F.O. : Les autorités ont décidé de poursuivre le programme de privatisation au second semestre 2005 et en 2006. Les sociétés sucrières publiques devraient être mises sur le marché dans les semaines à venir. En 2006, l’État a prévu de céder ses parts restantes – 20 % du capital – dans la Régie des tabacs, de privatiser la Compagnie marocaine de navigation (Comanav) et d’ouvrir le capital de la Banque centrale populaire (BCP). Ces opérations devraient rapporter 5,2 milliards de dirhams (environ 475 millions d’euros).

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J.A.I. : Vous avez entrepris une réforme de la fiscalité. Les nombreuses exonérations ne sont pas toutes justifiées et sont un véritable casse-tête pour l’administration…
F.O. : On va continuer à élargir l’assiette fiscale, notamment au niveau de la taxe sur valeur ajoutée. L’objectif est de réduire les très nombreuses exonérations afin d’uniformiser les pratiques. Nous allons aussi nous attaquer à l’informel pour réduire sa part dans les activités. Parallèlement, nous devons continuer à améliorer le rendement de l’administration fiscale et des douanes. C’est un travail de longue haleine, mais les résultats progressent d’une année sur l’autre.

J.A.I. : On reproche au Trésor public de faire fructifier les surliquidités des banques alors que cet argent pourrait servir à l’investissement.
F.O. : Les banques du pays sont saines. Nous avons engagé une réforme du secteur financier, et nous modernisons les établissements publics dans le but de les privatiser. Néanmoins, le monde de l’entreprise réclame un accès beaucoup plus large aux prêts bancaires, ce qui est légitime. L’État a mis en place des systèmes incitatifs, notamment des fonds de garantie comme le Fortex (Fonds de soutien pour les entreprises du secteur textile et de l’habillement), le Renovotel (Rénovation des unités hôtelières) et le Foman (Fonds national de mise à niveau).

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J.A.I. : L’agriculture marocaine est toujours aussi archaïque. Les systèmes de financement et les statuts fonciers sont inadaptés à la modernisation des exploitations…
F.O. : L’assainissement et la réforme du crédit agricole vont nous permettre de reconvertir notre agriculture pour qu’elle ne reste pas dépendante de la pluviosité. Le crédit agricole aidera les exploitants à réduire leur production de céréales en optant pour des produits à forte valeur ajoutée comme la vigne et l’huile d’olive qui nous permettent de développer les exportations. Nous mettons également les terres des anciens domaines publics de la Sodea (Société de développement agricole) et de la Sogeta (Société de gestion des terres agricoles) à la disposition des opérateurs privés.

J.A.I. : Le statut des terres collectives ne reste-t-il pas un handicap majeur ?
F.O. : Depuis quatre ans, l’État a beaucoup avancé dans la maîtrise du cadre macroéconomique et la mise en place des réformes. Nous avons obtenu des résultats dans le domaine du tourisme et du logement. Maintenant, il nous faut poursuivre la modernisation du secteur agricole, ainsi que la mise à niveau de l’industrie, pour créer les conditions d’une croissance solide et continue.

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