Ces milliardaires qui croient en l’Afrique
Alors que la crise pèse sur l’aide publique au développement, de nouvelles organisations de bienfaisance émergent. Fortes de leurs moyens financiers, ces fondations privées exercent une influence croissante sur l’agenda des pays où elles interviennent, hors de tout contrôle politique.
En septembre 2012, les dirigeants du monde entier se sont réunis au siège des Nations unies, à New York, pour l’ouverture de l’Assemblée générale annuelle. À quelques centaines de mètres, une autre réunion rassemblait un nombre tout aussi impressionnant de personnalités. Pour les trois jours de séminaire de la Clinton Global Initiative, l’ancien président américain avait su attirer plusieurs chefs d’État, dont Barack Obama, l’Égyptien Mohamed Morsi et Juan Carlos, le roi d’Espagne, ainsi que des dirigeants de grandes entreprises et les responsables d’organisations non gouvernementales (ONG) de premier plan. On a pu aussi croiser à cette réunion annuelle des philanthropes célèbres comme l’actrice Eva Longoria, la chanteuse Barbra Streisand ou l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Au programme des visiteurs : comment la science, la microfinance ou les médias sociaux peuvent-ils contribuer à faire de la pauvreté dans le monde une histoire ancienne ? Les discussions sont allées bon train et Bill Clinton a lui-même présidé de nombreuses séances. L’Afrique a notamment figuré au coeur de plusieurs débats très animés.?
Depuis son lancement en 2005, la Clinton Global Initiative aurait contribué à la collecte de 73,1 milliards de dollars (environ 55 milliards d’euros), susceptibles d’améliorer la vie de plus de 400 millions de personnes dans 180 pays. Chaque rassemblement annuel est l’occasion d’une démonstration d’optimisme contagieux qui encourage les philanthropes à se mettre au travail pour faire bouger les choses. Mais un tel événement peut aussi faire grincer des dents. Il y a quelque chose de gênant dans l’image de ces célébrités en costume qui décident depuis Manhattan de l’avenir des pays en voie de développement.
Cette rencontre symbolise en tout cas l’évolution du monde de la philanthropie, qui devient de plus en plus complexe et de plus en plus concurrentiel. Les maîtres incontestés en la matière sont Bill Gates (fondateur de Microsoft) et sa femme Melinda, dont la fondation – dotée de 35 milliards de dollars – cherche à promouvoir un nouveau modèle pour l’aide au développement, qui deviendrait une sorte d’entrepreneuriat de la bienfaisance. Une tendance qui doit beaucoup à la baisse des budgets de l’aide publique au développement. Les projets des agences multilatérales et des ONG sont désormais examinés avec de plus en plus d’attention, et les résultats sont soigneusement évalués. Dans ce contexte, une poignée d’organisations philanthropiques privées occupent désormais le devant de la scène. Ce « philanthrocapitalisme » puise son inspiration et ses compétences dans le monde de l’entreprise et cherche à mesurer les effets de ses « investissements » en termes de « rendement social ».
Le développement de l’Afrique devient ainsi une cause défendue par des personnalités aussi variées que Bill et Melinda Gates, Warren Buffett, Bill Clinton, Tony Blair, l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, le financier George Soros, le pionnier africain de la téléphonie mobile Mo Ibrahim, ou une star du rock comme Bono. L’élite économique du continent n’est pas en reste : les Nigérians Aliko Dangote, Theophilus Danjuma ou Tony Elumelu, les Sud-Africains Patrice Motsepe ou Tokyo Sexwale ont tous monté leur propre fondation et financent eux aussi des projets locaux ou internationaux. Des « philanthrocrates » guidés par des motivations variées, qui vont de la pure charité à un sens bien compris des relations publiques, en passant par la foi religieuse et peut-être parfois un sentiment latent de culpabilité.
Transparence
Pour les observateurs les plus sceptiques, comme l’écrivaine indienne Arundhati Roy, ces fondations ne sont qu’un cheval de Troie du capitalisme occidental en Afrique ou en Asie. D’autres critiques pointent la persistance des défauts de la philanthropie « à l’ancienne » : de gros moyens et un siège loin de l’Afrique. Mais le principal problème, que soulignent la plupart des critiques, c’est que ces fondations capables d’influencer les politiques publiques ne rendent de compte à personne. En quoi un milliardaire qui met en oeuvre des politiques de développement contribue-t-il à l’émergence de la démocratie dans les pays qu’il aide ? Dans quelle mesure les populations qu’il prétend aider ont-elles leur mot à dire ? Certains acteurs de la société civile somment les fondations d’être plus transparentes.
En face, leurs défenseurs ne se démontent pas et répondent habilement aux critiques. D’ailleurs, ces grandes fondations ont clairement des avantages. Elles ont mieux résisté aux répercussions de la crise financière de 2008 que l’aide publique et les dons individuels. Raj Desai, expert en développement international à la Brookings Institution, un think tank basé à Washington, est catégorique : « L’aide privée au développement constitue l’une des sources les plus stables de flux de capitaux. »
Selon Francesca Mosca, directrice pour l’Afrique subsaharienne de l’agence de coopération de l’Union européenne (EuropeAid), la philanthropie privée « a un rôle crucial à jouer dans les années à venir ». Une vision de plus en plus largement partagée, à l’heure où les partenariats public-privé se multiplient au sein des agences nationales comme dans les programmes des Nations unies.
C’est au cours des mandats de secrétaire général de Kofi Annan que l’ONU avait commencé à travailler intensément avec le secteur privé au sein de ce qu’on appelait alors les « coalitions de bonne volonté ». Le principe : des fondations et des acteurs de la société civile de divers horizons mettent en commun leurs idées et leur expertise pour s’attaquer à un problème spécifique. C’est ainsi que l’ONU et la Fondation Bill & Melinda Gates ont mutualisé leurs efforts pour combattre le paludisme, en collectant des sommes considérables et en adaptant conjointement leurs stratégies. Dans la décennie précédente, la fondation Gates avait déjà financé de vastes campagnes d’éradication de la polio ainsi que plusieurs projets de recherche sur le sida et le paludisme. En 2010-2011, elle a contribué pour près de 2 milliards de dollars aux initiatives dans le secteur de la santé.
Complexes
Certains affirment en effet que l’accent mis sur des initiatives dont les résultats sont rapidement mesurables a un effet d’éviction sur des programmes d’égale importance mais qui s’inscrivent dans le plus long terme. « Le problème, explique l’ancien directeur du programme pour la gouvernance et la société civile de la Fondation Ford, Michael Edwards, c’est que les fondations philanthropiques cherchent à résoudre les problèmes de demain mais à en retirer de la gloire dès aujourd’hui. » Résultat : les enjeux sociaux complexes, qui nécessitent des engagements à long terme, sont délaissés. Selon lui, 80 % des fondations sont dans cette logique, qui gagne désormais des structures plus anciennes comme Oxfam, Christian Aid, ou les fondations Ford et Carnegie.
Tony Blair a fondé l’Initiative pour la gouvernance en Afrique (IGA) après la fin de sa carrière politique. Cette organisation, qui met l’accent sur les réformes institutionnelles, mène des projets en Sierra Leone, en Guinée ou au Rwanda. Elle a d’ailleurs été chaudement saluée par le président rwandais, Paul Kagamé… dont Blair refuse fermement de critiquer le jeu pourtant contestable en RD Congo. L’ancien Premier ministre britannique est aussi confronté à des questions délicates sur les liens entre ses initiatives philanthropiques et ses activités plus lucratives – il est notamment conseiller pour la banque d’affaires américaine JP Morgan et a joué un rôle central dans les négociations préalables à la fusion entre le géant suisse du négoce de matières premières Glencore et l’entreprise minière Xstrata. La direction de l’IGA assure cependant que ses programmes sont tout à fait séparés des affaires de Tony Blair.
Génétiquement modifiés
Les risques de conflits d’intérêts sont parfois plus insidieux. L’exemple de l’agriculture l’illustre assez bien. Ce secteur est un prodigieux réservoir de croissance pour l’Afrique, qui concentre les deux tiers des terres arables non exploitées dans le monde. Et il attire de plus en plus l’attention des acteurs privés, au moment où les aides publiques bilatérales ou multilatérales sont en net recul. En 2006, les fondations Gates et Rockefeller ont ainsi créé l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Arva), une organisation pilotée par des Africains – Kofi Annan en est le président – et dotée de financements américains – 165 des 400 millions de dollars de son budget initial ont été octroyés par la Fondation Bill & Melinda Gates. Ambitieux, le programme de l’Arva est de promouvoir sur le continent une révolution verte similaire à celle ayant bouleversé l’agriculture asiatique dans les années 1970. Or celle-ci fait encore aujourd’hui l’objet de critiques sévères. L’activiste indienne Vandana Shiva la décrit abruptement comme une « invasion culturelle [du] système agroalimentaire [asiatique] ». Elle accuse la multinationale agricole Monsanto de propager « le mensonge de la monoculture » et de ravager la nature sans vergogne.
Quand les grosses fortunes internationales s’unissent
Créée à l’initiative de Bill Gates et de Warren Buffett en 2010, The Giving Pledge [Promesse de don] est une organisation qui regroupe quelques-unes des principales fortunes de la planète. Pour en faire partie, les membres s’engagent à reverser au moins 50 % de leur argent à des associations caritatives. Jusqu’à présent, The Giving Pledge n’avait réussi qu’à séduire les riches Américains. En effet, dans de nombreux pays, notamment en Asie, la philanthropie se pratique de façon anonyme à la fois pour des raisons culturelles, mais aussi pour des raisons politiques ou de sécurité. Néanmoins, Bill Gates a fini par convaincre. Début février, une douzaine de milliardaires originaires d’Europe, d’Afrique et d’Asie ont rejoint The Giving Pledge. Parmi eux, le minier sud-africain Patrice Motsepe, dont la fortune est estimée à 3,3 milliards de dollars, ou encore le fondateur de Celtel Mo Ibrahim, qui pèse 1,1 milliard de dollars. Claude Leblanc
Bashir Jama, le directeur de la santé des sols de l’Arva, basé à Accra, au Ghana, insiste sur le caractère spécifiquement africain du processus : « Le seul point commun avec son homologue asiatique est peut-être l’épithète « vert ». » Selon lui, l’agriculture a été trop négligée sur l’ensemble du continent dans les années 1960 et 1970, et les techniques en vigueur vont inévitablement être mises à mal par la concurrence mondiale et les changements climatiques. Les organismes génétiquement modifiés (OGM), très critiqués en Europe, « ne sont pas à l’ordre du jour pour l’instant, affirme Jama, mais ils pourraient l’être à l’avenir ».
La fondation Gates prend moins de précautions dans son soutien aux OGM – même si son directeur pour l’Afrique, Laurie Lee, souligne que l’objectif est de fournir aux agriculteurs « une variété de solutions possibles » et pas d’« imposer des solutions ». Or la fondation Gates est directement concernée par le marché des semences génétiques : elle a investi 23,1 millions de dollars dans Monsanto. Là encore, les responsables de la fondation soulignent que les projets caritatifs sont entièrement séparés des activités de placements financiers dont l’objectif est simplement de maximiser les revenus de l’organisation.
La question des placements a déjà été soulevée en 2007 lorsque des journalistes ont révélé que l’institution avait investi dans des entreprises pétrolières dont les activités dans le Delta du Niger, au Nigeria, étaient régulièrement dénoncées pour les destructions environnementales et la dégradation des conditions sanitaires des populations locales. Ces critiques se font jour alors que le poids financier des fondations dans l’aide au développement s’accroît. Ce qui leur donne nécessairement une influence croissante sur les politiques publiques.
Mais comment leurs priorités sont-elles définies ? La Fondation Bill & Melinda Gates déclare clairement que ses activités sont d’abord « guidées par les passions et les intérêts de la famille Gates », principalement la santé et l’agriculture. « La philanthropie, ce sont des gens qui dépensent leur argent comme ils en ont envie, souligne Hadeel Ibrahim, fille de Mo Ibrahim et directrice de sa fondation. Si un philanthrope a envie de construire une école de danse classique en Afrique, alors il le fait et c’est très bien. » Elle est catégorique : « La philanthropie est une démarche personnelle, il n’y a pas de comptes à rendre à qui que ce soit. »
C’est notamment le cas de la Fondation Open Society, créée par le financier George Soros afin de promouvoir la démocratie, principalement en Europe de l’Est et en Afrique. Dépendant d’un seul donateur, elle n’a pas à présenter de bilan au public ou à qui que ce soit. Sa directrice pour l’Afrique de l’Est, Binaifer Nowrojee, explique que l’organisation n’a pas d’outils pour mesurer la réussite ou l’échec d’un projet. « Il faut réaliser qu’une fondation comme Open Society, c’est vraiment un gros tas d’argent à disposition. »
Or pour Linda Polman, journaliste auteure d’essais critiques sur l’aide au développement, l’absence de comptes à rendre sape les organisations publiques comme privées. Les fondations Gates, Ford et Hewlett publient bien de longs rapports et des notes de stratégie sur internet – « Il y a une mine de documents à disposition du grand public sur notre site », répond ainsi Laurie Lee -, mais Linda Polman ne s’en satisfait pas : « À quoi cela sert-il de mettre tous ces bilans et ces rapports sur internet ? À rien, sauf si une agence indépendante en faisait un examen minutieux. » Elle réclame « une charte sur l’aide au développement, de la même manière qu’il y a une charte sur les droits de l’homme » pour imposer des règles aux fondations privées.
Celles-ci sont déjà sous pression depuis 2008 pour signer l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide, qui cherche à mesurer l’efficacité des sommes allouées. Selon un rapport d’une commission parlementaire britannique, seules 43 % des fondations basées aux États-Unis pratiquent des évaluations formelles des projets qu’elles ont financés.
Crédibilité
En janvier 2012, le député britannique Malcolm Bruce a lancé un avertissement à la commission parlementaire pour le développement international, qu’il préside : « Il faut certes saluer les efforts des fondations privées, mais il y a un vrai risque qu’elles contournent les organisations de la société civile dans les pays en développement. » Pour Michael Edwards, la relation entre les donateurs occidentaux privés ou publics et les porteurs de projets en Afrique s’inscrit dans un rapport de type néocolonial. Qu’ils aient des visées stratégiques claires ou qu’ils agissent par pure charité, tous les bailleurs de fonds sont, selon lui, imprégnés de la même psychologie coloniale qui cherche à « modeler le monde selon sa propre image ». Et l’implantation du siège des fondations à Londres ou à New York, la domination écrasante des employés britanniques ou américains dans leurs effectifs, les contrats signés avec des entreprises occidentales sont autant d’éléments qui justifient ces remarques à leur égard.
Des remarques qui épargnent l’organisation TrustAfrica, basée à Dakar. Lancée en 2001 à l’initiative de la Fondation Ford, c’est aujourd’hui une structure indépendante qui bénéficie du soutien d’autres institutions américaines et concentre ses ressources sur l’appui au développement de la société civile dans toute l’Afrique, en soutenant des organisations locales. Akwasi Aidoo, qui la dirige depuis sa création, décrit le problème de crédibilité dont pâtissent les fondations étrangères en Afrique. Son organisation est épargnée, dit-il, car ses employés et sa direction sont eux-mêmes tous africains. « Il n’y a clairement aucune logique impérialiste sous-jacente dans le travail de TrustAfrica. Personne ne pourrait d’ailleurs nous en accuser puisque nous nous attaquons à des questions sensibles comme celles du tribalisme ou des seigneurs de guerre. »
TrustAfrica n’est pas seule : des fondations créées par des Africains se développent rapidement. Leurs interventions vont de petits projets de développement communautaire à l’établissement d’institutions rivalisant avec les fondations Gates et Hewlett dans les capitales africaines. La culture du don est inscrite dans les gènes de l’Afrique, explique Raymond Okudzeto, un homme d’affaires philanthrope de 70 ans basé à Accra : « On a toujours aidé nos frères dès qu’on avait de petits moyens. » Il a reçu le titre de dumega (« chef sage » en langue ewé) en signe de reconnaissance pour avoir financé des projets agricoles et des centres d’information technologique destinés à la jeunesse.
Approche stratégique
De nombreuses organisations voient notamment le jour en Afrique du Sud, où émerge une nouvelle génération de compagnies portées par des entrepreneurs noirs à succès. Patrice Motsepe est l’un d’eux ; il a créé sa propre fondation, qui finance surtout des projets communautaires éducatifs et de santé. Le businessman et politicien Tokyo Sexwale a fait la même chose. Tous les deux se sont enrichis grâce à leurs affaires : un modèle tout à fait différent de celui de Nelson Mandela, dont la fondation collecte des millions de dollars à partir de sa réputation internationale de combattant de la liberté.
C’est une démarche personelle, il n’y a pas de compte à rendre à qui que ce soit.
Hadeel Ibrahim, directrice de la Fondation Mo Ibrahim
Nombre d’hommes d’affaires distribuent une partie de leur argent au sein de leur communauté à travers des réseaux informels. Il était nécessaire de « distribuer l’argent de manière plus structurée », explique Gima Forje, administrateur de la Fondation TY Danjuma, fondée par l’ancien ministre nigérian de la Défense Theophilus Danjuma : « Avant, nous étions seulement dans la réponse aux demandes. Nous avons maintenant une approche plus stratégique. » Depuis 2010, l’institution nigériane a établi des critères assez stricts. Elle n’accepte désormais les sollicitations que pour des projets relatifs à la santé et à l’éducation.
Des secteurs où l’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, apporte également sa contribution. Son action la plus médiatisée est son association avec Bill Gates, scellée l’an dernier pour faire reculer la poliomyélite au Nigeria grâce à un vaste plan de vaccination dans l’État de Kano (Nord), d’où il est originaire. Laurie Lee, de la Fondation Gates, souligne qu’un « tel partenariat vaut de l’or, car Dangote possède à la fois une légitimité incontestable de par ses origines et une forte crédibilité liée à son succès dans les affaires. Il connaît parfaitement le contexte nigérian, sait ce qui marche et ce qui ne marche pas, et il aborde les problèmes avec l’approche pragmatique propre au monde de l’entreprise. Il trouve ainsi très rapidement les solutions concrètes susceptibles de répondre aux enjeux locaux ». Hadeel Ibrahim, la directrice de la Fondation Mo Ibrahim, est plus réservée : « L’enthousiasme que j’ai souvent rencontré sur la philanthropie africaine et sa capacité à répondre à tous les problèmes est tout à fait excessif. Il est possible que ces acteurs soient plus efficaces et meilleurs parce qu’ils sont africains. Mais il est aussi fort possible qu’ils ne le soient pas. »
Africapitalisme
Avec sa fondation – qu’il gère en parallèle de sa société d’investissement, Heirs Holdings -, le Nigérian Tony Elumelu a, lui, pour objectif de contribuer au développement du secteur privé. En grand promoteur de l’« Africapitalisme », il cherche à influer sur les politiques publiques de son pays pour qu’elles soient plus favorables aux entrepreneurs mais orchestre aussi des levées de fonds pour financer de nouveaux projets. Dans cette perspective, il s’est notamment associé à Tony Blair et son IGA.
La philanthropie proentreprise de Tony Elumelu fait écho à l’approche de Pierre Omidyar et de son épouse Pam. Le fondateur du site de vente aux enchères eBay a également fondé Omidyar Network en 2004, et se fait le champion de l’impact investing, cette approche considérant l’aide comme un investissement en quête de retombées sociales et environnementales directes. Omidyar Network ressemble à s’en méprendre à une société de gestion de portefeuilles : la moitié de ses financements est accordée à des entreprises et l’autre moitié à des organisations à but non lucratif. L’ensemble est orienté vers des projets relatifs au développement durable.
Le meilleur conseil de Pierre Omidyar aux philanthropes qui voudraient apporter de réels changements ? « Ne pas créer une fondation. » Stephen King, l’un de ses associés, l’explique : « Le champ d’action des fondations est limité, car les contraintes et les restrictions au sujet de ce qu’elles peuvent financer ou non sont nombreuses. » La réglementation fiscale américaine cantonne en effet l’activité de ces organisations au secteur non lucratif alors que, selon King, les activités dans ce domaine sont souvent moins solides et moins viables à long terme. Toutes les activités philanthropiques de Mo Ibrahim ne peuvent atteindre le quart de l’impact qu’a eu son entreprise de téléphonie mobile sur le développement en Afrique, renchérit l’économiste Michael Green.
L’Irlandais Bob Geldof, chanteur de rock et militant qui collecte des fonds pour le continent depuis près de trente ans, réclame encore plus d’investissement en Afrique. Pour lui, il ne s’agit pas d’une « alternative » à l’aide : « La philanthropie et l’aide constituent aussi une forme d’investissement. Elles ont ouvert des portes et permis à de nouveaux capitaux d’irriguer le marché sous forme d’investissements classiques. Les premiers peuvent donc engendrer les seconds. Mais, pour l’instant, les deux sont nécessaires. »
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