Du sport à la présidence

Publié le 14 août 2005 Lecture : 3 minutes.

Il devait, le 19 août, être élu premier président de l’après-transition par les députés et les sénateurs, conformément aux accords d’Arusha. Pierre Nkurunziza, leader du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), était seul candidat en lice. Ses adversaires ont renoncé à se présenter lorsque son parti a obtenu la majorité absolue aux législatives du 4 juillet et aux sénatoriales du 5 août, sur la lancée des élections communales du 3 juin (les sénateurs étant élus par les conseillers locaux).
Une lourde charge pèse désormais sur ses épaules. L’économie burundaise est très mal en point, et nombre de problèmes sociaux doivent être résolus au plus vite dans un contexte politique difficile. Même s’il bénéficie du soutien sans faille de son mouvement, qui contrôle pratiquement tous les rouages de l’État, le nouveau président devra composer avec le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), l’autre grand parti hutu, contraint de quitter le pouvoir, et avec le G10, un groupement de partis tutsis inquiet pour son avenir politique.

Si le processus de DDR (démobilisation, désarmement, réintégration) est déjà bien engagé, la situation sécuritaire demeure incertaine. Les forces du Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL) d’Agathon Rwasa continuent d’écumer les collines du Bujumbura rural, tout autour de la capitale. Certes, le partage interethnique des pouvoirs législatif et exécutif (60 % aux Hutus, 40 % aux Tutsis) est en voie d’apaiser les tensions, mais, au sein de l’armée, l’élite reste majoritairement tutsie. Enfin, la situation régionale est on ne peut plus tendue tant au Rwanda qu’en RD Congo.

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Pierre Nkurunziza parviendra-t-il à sortir son pays de la situation désastreuse dans laquelle l’ont plongé onze années de guerre civile ? Difficile de se prononcer pour l’heure, d’autant que l’homme est relativement peu connu. Placé sous les feux de l’actualité en novembre 2003, lors de la signature du protocole de Pretoria sur le partage des pouvoirs qui mit fin à la rébellion du CNDD-FDD, il avait été nommé ministre de la Bonne Gouvernance et de l’Inspection générale de l’État. Ce poste, à l’intitulé singulier, lui a permis d’apprendre rapidement son futur métier en le plaçant au contact direct de tous les rouages du pouvoir.
Au vu de son parcours, la rumeur selon laquelle il serait un simple « prof de gym sans culture politique et sans grande expérience des affaires publiques » se révèle infondée. Pierre Nkurunziza est né le 18 décembre 1963 à Bujumbura, dans une fratrie de sept enfants. Son père est gouverneur des provinces de Kayansi et de Ngosi, où la famille s’est établie. En 1965, après la chute de la monarchie, le gouverneur Nkurunziza est élu au Parlement de la nouvelle République. Il sera tué en 1972, au moment des massacres génocidaires qui font près de 100 000 morts en quelques semaines. Pierre poursuit malgré tout ses études à l’école secondaire de Kitenga. En 1990, il entre à l’université du Burundi où il décroche un diplôme d’éducation physique et sportive qui lui permet, l’année suivante, d’enseigner au lycée de Muramya, dans le centre du pays, tout en suivant des études de psychologie et de pédagogie. Devenu maître-assistant à l’université, il enseigne à l’Institut supérieur des cadres militaires (Iscam).

L’assassinat du président hutu démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993, fait basculer le pays dans la guerre civile. Deux membres de la fratrie Nkurunziza sont tués. En 1995, attaqué, sur le campus de l’université à Kiriri, par des militaires qui mettent le feu à sa voiture, Pierre s’extrait de justesse du véhicule. Il rejoint alors les rangs du CNDD-FDD comme simple soldat. Ses trois frères, qui l’ont suivi, y laissent la vie. Lui-même sera grièvement blessé. Trois ans plus tard, ses qualités intellectuelles lui valent d’être promu secrétaire général adjoint, chargé de coordonner les activités militaires et politiques du parti. Élu président en 2001, il a été réélu à ce poste lors du congrès d’août 2004. Un an plus tard, presque jour pour jour, le voilà président de la République.

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