Cent idées pour entreprendre

Services, mines, construction, agroalimentaire… Les pouvoirs publics explorent toutes les pistes pour diversifier les activités et dynamiser le développement. Reste à convaincre les investisseurs.

Publié le 14 août 2005 Lecture : 6 minutes.

Pour attirer les investisseurs, le Burkina compte sur sa bonne gestion macroéconomique, sa stabilité politique dans une région secouée par les crises et une situation géographique qui lui confère la position de véritable carrefour sous-régional. Le « pays des Hommes intègres » (signification de son nom en langue morée) se positionne avant tout comme un pourvoyeur de services. Le secteur représente près de 50 % du PIB. Et sa part progresse, notamment grâce à l’essor des télécommunications. Depuis la libéralisation de la téléphonie mobile en 2000, le nombre d’abonnés explose. Ils sont plus de 300 000 aujourd’hui, répartis entre trois opérateurs : deux privés (Telecel et Celtel) et un public (Telmob, filiale de l’Onatel). Autres domaines porteurs : les transports routiers, les banques et les assurances. Les travaux pour la construction d’un nouvel aéroport à Ouagadougou devraient débuter d’ici à la fin 2005. Le secteur du bâtiment connaît un essor remarquable lié à la politique volontariste du gouvernement en matière d’urbanisme. Le projet Zaca (Zone d’activités commerciales et administratives), notamment, vise à une vaste modernisation et restructuration du centre-ville et à l’aménagement du quartier Ouaga 2000, la « capitale bis » voulue par le président Blaise Compaoré.
De longue date, le Salon international de l’artisanat (Siao) et le Fespaco, devenu « le » rendez-vous du cinéma africain, ont permis à Ouagadougou de se présenter comme un vaste Palais des congrès sous-régional. En novembre 2004, le Sommet de la Francophonie et, en avril dernier, celui de la Communauté des États sahélo-sahariens (Censad) ont confirmé cette position. Le nombre d’hôtels a explosé – dont le premier cinq étoiles du pays, construit par des Libyens et inauguré par Mouammar Kadhafi lors du rendez-vous de la Censad -, et le tourisme progresse rapidement. « En dix ans, le Burkina est passé de la dixième à la quatrième place des pays les plus visités d’Afrique de l’Ouest, avec plus de 230 000 visiteurs en 2004, souligne Mahamoudou Ouédraogo, ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme. Et nous souhaitons atteindre le million de touristes en 2010. » Le ministère conduit, notamment, un vaste projet de réhabilitation des campements touristiques situés dans les réserves naturelles de l’est du pays, où l’on peut voir de grands animaux sauvages (éléphants, lions, buffles…). Du 6 au 9 octobre prochain, la capitale burkinabè accueillera la deuxième édition du Salon international du tourisme et de l’hôtellerie. « Le potentiel de croissance dans le secteur des services est très important. Il reste de nombreuses activités à explorer : agences de gardiennage privées, agences de conseil, enseignement et services de santé privés, sociétés de tourisme et de voyages… », explique Issaka Kargougou, directeur de la Maison de l’entreprise, une structure indépendante dédiée au secteur privé, créée en 2004 avec le soutien de l’Union européenne et de la Banque mondiale.
Deuxième poids lourd de l’économie : l’agriculture, qui emploie plus de 80 % de la population active. Culture phare : le coton, dont la production a été multipliée par cinq en dix ans. Avec une récolte record de 638 000 tonnes de coton-graine en 2005, le Burkina s’est hissé à la première place des producteurs d’or blanc du continent. En dépit de ces progrès, la survie de la filière – privatisée avec succès en 2004 – passe par des gains de productivité, car les rendements stagnent depuis plusieurs années. Pour le gouvernement comme pour les producteurs, le recours aux organismes génétiquement modifiés (OGM), actuellement expérimentés dans deux localités du pays par les groupes Monsanto et Syngenta, en collaboration avec l’Institut national de l’environnement et de recherches agricoles (Inera), pourrait être la solution. Dans le but d’atténuer la dépendance au coton, qui compte pour plus de 60 % des recettes d’exportation, le gouvernement mise beaucoup sur la filière fruits et légumes, jadis florissante, mais en perte de vitesse depuis quinze ans (voir encadré ci-contre). La construction d’un terminal de conditionnement fruitier à Bobo-Dioulasso et la réhabilitation des chambres froides de l’aéroport de Ouagadougou devraient favoriser la hausse des exportations. À condition de surmonter d’autres facteurs limitants, comme les faibles ressources en eau et la dégradation des sols par le manque d’entretien et l’utilisation massive de pesticides.
Autre secteur porteur : les mines, activité en panne depuis la fermeture de la mine d’or de Poura en 1996. Le gouvernement a revu sa politique et adopté, en mai 2003, un code minier attractif. Résultat : 135 permis de recherche en cours et trois permis d’exploitation industrielle de l’or délivrés sur les sites de Youga, Kalsaka et Taparko, qui seront mis en oeuvre par des compagnies canadiennes (High River Gold et Etruscan Resources) et britannique (Cluff Mining). « Les premiers lingots sont attendus en février prochain à Taparko », précise Abdoulaye Abdoulkader Cissé, ministre des Mines, des Carrières et de l’Énergie, qui prévoit une production de l’ordre de 10 tonnes d’or en 2006. Des gisements de zinc situés dans la région de Perkoa et d’autres de manganèse, près de Tambao, devraient également entrer en exploitation fin 2005.
En dernier lieu, le gouvernement cherche à développer les industries de transformation locale. Les investisseurs se voient systématiquement accorder un panel d’aides, dont l’exonération de droits de douane sur les premiers équipements et les pièces de rechange, et de tout impôt sur les bénéfices durant les six premières années. Le secteur secondaire reste encore fragile, mais plusieurs projets sont à l’étude, souligne Issaka Kargougou, de la Maison de l’entreprise. Entre autres : la reprise de l’ancienne usine textile Faso Fani, pour laquelle est programmé un investissement de 1,5 milliard de F CFA (2,3 millions d’euros) et la construction d’une unité industrielle pour la transformation de beurre de karité, un projet de 3,5 milliards de F CFA dont l’étude de faisabilité a été financée par l’Union européenne. Pour favoriser le développement du secteur privé, le gouvernement, en partenariat avec la Banque mondiale et l’Europe, a mis au point un projet d’appui à la compétitivité et au développement des entreprises. Objectif : réduire les formalités, les délais de création d’activité, simplifier les procédures d’arbitrage, alléger la fiscalité, qui, en raison de l’importance du secteur informel et de la fraude, se concentre sur un très petit nombre d’entreprises. Un recensement au porte-à-porte des contribuables vient d’ailleurs d’être lancé. Il devrait permettre d’élargir l’assiette fiscale et de réduire les activités clandestines.
Reste que pour Siaka Coulibaly, économiste à la Banque mondiale, la croissance du secteur passe également par l’amélioration du système judiciaire et la réduction du coût des facteurs de production. Le prix excesivement élevé de l’eau et du carburant nuit à la compétitivité des produits fabriqués localement. Quant à l’électricité, le tarif de pointe pour les industriels est l’un des plus élevés de la sous-région : 76 F CFA le KW/h. La liaison à haute tension prévue en 2007 entre Bobo-Dioulasso (déjà raccordé au réseau ivoirien) et Ouagadougou ne devrait rien changer. Seule l’interconnexion avec le réseau électrique du Ghana, en 2010 si tout va bien, permettra de faire baisser sensiblement les tarifs.
L’essor industriel du Burkina souffre d’autres handicaps. « Sur un bassin de 14 000 entreprises administrées dans le fichier de la Chambre de commerce, près de 4 000 d’entre elles pratiquent à titre principal le commerce général. Et sur les 201 entreprises agréées au code des investissements depuis 1995, seulement 28 unités opèrent de la transformation incorporant les matières premières locales : laiteries, huileries, production de fil de coton, riz, fruits séchés », indique un document du ministère du Commerce, de la Promotion de l’entreprise et de l’Artisanat distribué à l’occasion des Journées économiques entre l’État et le secteur privé, les 8 et 9 juillet à Bobo-Dioulasso. Dans ces conditions, le ministre, Benoît Ouattara, estime que, s’il existe des niches industrielles porteuses, « il est difficile d’entrevoir à court terme un programme ambitieux pour le développement d’industries de transformation locale qui permettraient de substituer durablement une production locale à certains produits importés ». Analyse conforme à la politique générale de déploiement de l’offre de services.

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