Ouaga-deux villes

Publié le 14 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Il faut être allé, en moyenne, trois ou quatre fois par an à Ouaga depuis vingt ans pour se rendre compte d’un truc incroyable en Afrique subsaharienne : la ville change ! Non, ce n’est pas de la provoc. Faire le même va-et-vient avec d’autres pays ne procure absolument pas une impression similaire. Au risque d’en décevoir plus d’un, la plupart des capitales africaines n’évoluent pas au plan de l’urbanisme. Pis, dans certaines d’entre elles, on assiste au pourrissement sur pied et en direct live de certains immeubles à l’architecture audacieuse en d’autres temps. Ils tombent en décrépitude sans que cela fasse sourciller les passants. Résultat, la cité n’évolue pas, elle moisit au cur et se contente de se laisser passivement entourer d’un cercle de quartiers populaires, voire bidonvillaires. Ils s’élèvent et s’étendent à la va-vite, inspirés par les seules dictatures du galop de la natalité et de la baisse du pouvoir d’achat, voire de l’afflux de travailleurs immigrés des pays à la ronde Normal, dans les pays pauvres, dit-on, il y a autre chose à faire que de planifier, il faut gérer l’urgence.

Curieusement, Ouagadougou est l’une des rares cités à avoir fait exactement le contraire. Tout en entretenant et développant son centre-ville, elle s’est offert une seconde « cité », ?Ouaga 2000. À la manière toute burkinabè, petit à petit, sans ambition délirante affichée, Ouaga 2000 a été pensée, complétée, peuplée, comme une vraie ville et non pas comme un prolongement bidon ou chic, ce que l’on aurait pu craindre au début. Après les villas, hôtels, présidence, ministères, routes mine de rien, des restaurants, des commerces et un petit business de rue s’y installent. Encore trop tôt pour qu’un vrai « double Ouaga » existe, mais déjà, il est aussi chic d’aller dîner au dernier étage du Sofitel Ouaga 2000 qu’à la table africaine raffinée du Tiebele en plein centre-ville. Comme si un tissu urbain continu, vécu par une population adaptable, s’installait ici tout naturellement. Bien entendu, cette extension intelligente est due à quantité de facteurs, comme la patience, une demande en capacité d’accueil satisfaite lentement mais sûrement, un véritable plan urbain, une prise en compte progressive de l’évolution de la société, de ses goûts, de ses moyens Autant de qualités, finalement, qui composent ce qu’il est coutume d’appeler « l’exception burkinabè ». Une exception qui fait de ce pays l’un des rares à pouvoir absorber, tout en gardant racines et coutumes et sans vendre son âme au diable, des flux grandissants chaque année de touristes, de festivaliers ou de congressistes. Ces derniers trouvent ici le privilège unique de découvrir deux capitales en une, peuplées par la même âme ouagalaise. Bref, après Ouaga-deux roues, voici Ouaga-deux villes

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