Le barreau à la barre ?

Publié le 14 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Le rôle de l’avocat dans la promotion de l’État de droit et dans le processus de démocratisation en Afrique : le thème de la conférence de l’Union panafricaine des avocats (UPA) qui s’est tenue du 6 au 8 mai à Dakar était volontairement polémique. « Nous avons voulu placer notre corporation face à ses responsabilités, se justifie Me Akere T. Muna, le président camerounais de l’UPA. On a l’impression que les avocats ne se sentent pas concernés par les maux du continent. On ne nous entend pas ! »
Trop occupés par les affaires de leurs cabinets, pas assez politisés, pas assez au service de la société, les stars africaines du barreau ? Me Muna en veut pour preuve ce constat sans appel : 26 des 43 présidents américains étaient des lawyers, alors que, depuis les indépendances, les avocats africains ayant accédé à la magistrature suprême se comptent presque sur les doigts d’une main : le Tunisien Habib Bourguiba, le Mauritanien Mokhtar Ould Daddah, les Sud-Africains Frederik W. De Klerk et Nelson Mandela, le Sénégalais Abdoulaye Wade (qui a présidé la session plénière du 8 mai et a été fait président d’honneur de l’UPA) et le Zambien Levi Mwanawasa, absent de Dakar en raison de son état de santé.
Née il y a quatre ans à Addis-Abeba, où elle devrait bientôt posséder un siège, l’UPA veut remédier à cette carence. Et accroître la « visibilité » des hommes de loi africains. Elle est en passe d’y parvenir : une bonne vingtaine de pays étaient représentés à Dakar, dont treize par leurs bâtonniers. Mais l’Afrique du Nord, à l’exception de la Mauritanie et de la Tunisie, a brillé par son absence.
Unanimes, les participants ont souligné l’urgence de conforter l’indépendance du barreau partout où elle est menacée. Et dressé un tableau assez sombre de la justice sur le continent. Quelques progrès ont certes été enregistrés sur le plan des textes, par exemple l’inscription du principe de la séparation des pouvoirs dans les Constitutions, mais la pratique n’a pas suivi. Parce que la magistrature reste de facto soumise à l’exécutif. « À quoi pouvons-nous servir si, en face de nous, les juges ne sont ni honnêtes ni indépendants et que l’État interfère constamment dans le fonctionnement de la justice ? » s’est interrogé le Malien Mamadou Konaté.
Enfin, la question de l’accès des plus pauvres à la justice est revenue comme un leitmotiv. La plupart des justiciables ignorent jusqu’au fait qu’ils ont des droits, qu’ils peuvent les faire valoir et être défendus en cas de besoin. « Pour construire un État de droit, il faudrait que le droit imprègne nos sociétés, qu’on le rende accessible à tous non seulement en développant l’assistance judiciaire, mais en allant bénévolement sur le terrain, au contact des déshérités », conclut un avocat sénégalais.

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