Clearstream, le vrai-faux débat

Publié le 14 mai 2006 Lecture : 2 minutes.

Alors, voilà, la France baigne dans un scandale politique retentissant. L’affaire Clearstream. Vous en connaissez les grandes lignes. Un « corbeau » a, semble-t-il, faussement accusé des hommes politiques de droite comme de gauche d’avoir des comptes en banque secrets par le biais de la société Clearstream, basée au Luxembourg. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, aurait voulu enquêter sur ces comptes dans l’objectif, dit-on, de démolir quelques prétendants à la succession du président Jacques Chirac. Dont l’incontournable Nicolas Sarkozy. Et, depuis, c’est la Bérézina. On sent des liens extrêmement suspects entre industrie, argent et pouvoir, des luttes sordides au sommet de l’État français. On sent que personne n’est clair, même les innocents. On sent des juges déterminés, parfois trop, parce qu’ils pensent que Clearstream mène au vrai scandale, celui des formidables commissions occultes de l’affaire des frégates de Taiwan.
La classe politique et les médias sont sur le pied de guerre. On s’insulte à l’Assemblée. L’opposition demande la démission du Premier ministre. Certains veulent la tête du président. Les journaux rivalisent de scoops. On s’indigne ou l’on accuse à chaque tribune possible. Pouvoir, services secrets, affairisme, argent, frégate, paradis fiscaux, tout y est. C’est Watergate, la crise de régime, la décadence finale, la totale

La France se délite, c’est Tchernobyl au sommet de la République, mais les Français sont-ils horrifiés ? Sont-ils prêts à descendre dans la rue ? Sont-ils en train de réclamer la tête du Premier ministre, comme du temps du CPE ? Non, pas vraiment. Dans leur majorité, les Français, apparemment, s’en fichent. Le pays profond n’a pas l’air inquiet. Tout baigne. Il fait plutôt beau, on prépare les week-ends à venir. Bientôt, on va avoir la Coupe du monde. Et puis après, ce sera l’été
Je trouve la passivité de l’opinion plutôt étrange. Et l’impressionnant battage politique et médiatique presque excessif. L’affaire est grave, mais ce n’est pas la première du genre, depuis le début des années 1980, loin de là. Finalement, Clearstream arriverait presque à point nommé, à un an des élections, pour masquer providentiellement l’essentiel. L’essentiel, c’est la crise française. Depuis mai 2005, la France a connu trois tremblements de terre majeurs : le « non » à la Constitution européenne, les émeutes des banlieues et la crise du CPE. Aucune de ces crises n’a donné lieu à un véritable débat sur la nature du mal français. Un mal, l’immobilisme et le conservatisme, qui remonte au milieu des années Mitterrand, et qui a pu largement s’exprimer sous l’ère Chirac.
Clearstream permet de tout simplifier. C’est clair, les politiques sont tous « pourris », l’État est corrompu, et l’élection présidentielle se jouera, une fois encore, au corps à corps, le scandale au centre, sans poser les vraies questions. Et sans ouvrir le vrai débat.

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